L’été s’est installé en Haute-Marne depuis lundi, jour de notre départ. Les premiers coups de soleil sont apparus aujourd’hui, mais cette chaleur de plomb ne nous a pas empêché de réaliser 41 kilomètres, de Cohons à Montsaugeon, à la rencontre de formidables projets. Récit de cette quatrième journée…

8h. Quelle vue au réveil à la Ferme Saint Anne, à Langres ! La proximité de la ville fortifiée observée d’ici la rend d’autant plus impressionnante. Nous quittons le couple Roy, presque avec regrets de ne pas avoir pu étendre encore nos discussions passionnantes, débutées la veille autour d’un bon barbecue.

chantier de réinsertion à cohons

10h20. Nous arrivons à Cohons. Le plus dur en arrivant ici est d’apprendre à prononcer le nom de la commune. Je le prononçais comme nous prononcerions « cohue », en deux syllabes, et me suis fait réprimander par un habitant du secteur. C’est ça, aussi, un voyage, un apprentissage des langues dans la douleur. Sylvie Baudot, maire du village, ou plutôt « Maire Teresa » au vu de son engagement, nous accueille dans la bonne humeur dans sa charmante commune au micro climat, plus ensoleillée que Langres. Cohons, petite Nice, côte d’Azur haut-marnaise, village aux 100 sources. Elle nous présente son chantier d’insertion, mis en place depuis 2013 autour de la pierre sèche. Il permet d’accueillir, aider des personnes ayant connu des difficultés et recréer du lien social malgré les différences de parcours, nationalités (Soudanais, Afghans, Syriens, Camerounais, Français…) cabossés de la vie au grand coeur et fiers d’être là. Nous déjeunons avec toute cette joyeuse équipe, engagée et pleine de bonnes ondes.

Les jardins de Cohons sont une source de fierté, classés nationalement au titre du pittoresque (les folies, comme on les appelait à l’époque). Nous passons à côté d’un superbe escargot carré Mastaba construit en 1820, d’influence égyptienne. Ce style de construction fut ramené en France par Napoléon après sa campagne d’Égypte, à la mode dans les jardins à l’anglaise à l’époque (c’est d’ailleurs ironique de constater que Napoléon aurait influencé des jardins à l’anglaise, il n’était pas spécialement fan des Anglais). Les jardins suspendus de Cohons ont été visités par la mission Bern (vous pouvez faire un don aux Jardins suspendus via la Fondation du patrimoine). Sylvie Baudot a même été invitée à l’Élysée pour parler de ce projet. L’Élysée, voila où mène la volonté d’élus, bénévoles, habitants haut-marnais courageux et souhaitant faire bouger les choses. La volonté haut-marnaise permet désormais de soulever des montagnes, et les transformer en escargots pittoresques. Énorme source de fierté pour nous : la commune de Cohons possède le record du monde du marathon de la lenteur, l’heureux champion étant un escargot. En Haute-Marne, on sait prendre son temps pour profiter de la vie !

jus locaux à cohons

13h59. Nous devons être à Heuilley-Cotton à 14h, ça va être coton.

14h15. Nous arrivons à Heuilley-Cotton et Boris Beluche arrive au volant de sa Renault 4 CV d’époque. Théo lui demande où est son atelier. Boris lui demande de quoi il parle : sa maison est son atelier. Nous profitons de la fraîcheur de son jardin et admirons ses œuvres splendides et originales, qui sont à l’image de Boris, authentiques et immédiatement accessibles. De l’avis de plusieurs Haut-Marnais, Boris est un artiste international qui s’ignore, n’ayant pas la reconnaissance qu’il mérite. Mais la recherche-t-il ? Encore un Haut-Marnais atypique et méconnu, à la personnalité incroyable. Il nous propose du vin de groseilles, fait maison. Nous ne sommes plus à un apéro près. Le temps passe et nous sommes encore en retard. Encore. Boris nous écrit un mot d’excuse destiné au Sénateur Guené, qui nous attend déjà à Vaux-sous-Aubigny.

15h30. Nous partons en direction du sud, le long du délicat canal entre Champagne et Bourgogne.

sélection du muid montsaugeonnais

16h15. Nous arrivons en retard au Muid Montsaugeonnais, à Vaux-sous-Aubigny. Charles Guené, sénateur de la Haute-Marne et actionnaire du Muid, est notre guide et nous explique les spécificités de la structure. En effet, ici, plusieurs centaines de personnes disposent de parts de cette affaire, sorte de capitalisme populaire original. L’actionnariat est ouvert à tous, peu importe si l’on est originaire de la région ou non. Ici, 100 000 bouteilles par an sont produites et vendues sans problème, sans réel besoin de communication. Après 6 verres de vins dégustés, Théo abandonne et laisse son verre de Ratafia. Notre tour du monde de la Haute-Marne est aussi un apprentissage de sa gastronomie généreuse. Nous sommes heureux de profiter de vélos Moustache qui nous aident à reprendre la route sans trop d’efforts, les alcools locaux n’aidant pas à pédaler avec aisance.

17h45. Nous pénétrons dans Montsaugeon et sommes accueillis par deux Franciliens médiévistes. Ceux-ci ont choisi de déménager en Haute-Marne car ont trouvé ici le calme et le bien-être tant recherché. Nous leur offrons une bouteille du Muid Montsaugeonnais pour nous excuser de notre retard. Ils ont impulsé le Festival Médiéval de Montsaugeon, crée en 2018 afin de partager leur passion pour le Médiéval, rencontrer des gens… Cela les a d’ailleurs convaincu de déménager à Montsaugeon. Nous sommes étonnés de rencontrer des personnes ayant tant d’idées pour développer leur passion, mais aussi et surtout créer de l’activité et animer le territoire, pour montrer que la Haute-Marne bouge. Le jardin médiéval d’Isabeau est superbe en lui-même, mais est aussi une ressource pédagogique permettant d’expliquer l’herboristerie médiévale des jardins au XIIIe siècle. Dominique nous montre des plantes comme le millepertuis, plante magique chasse-diable utilisée pour les bleus au corps et les bleus à l’âme, la prêle pour les problèmes articulaires, la molène pour les hémorroïdes, etc. À l’herboristerie sont également exposés des onguents, des champignons, des racines de mandragore, du sirop, etc.

19h30. Nous sommes invités pour le repas, comme pour la nuit, à la Tour des Villains, à Montsaugeon toujours. La commune, petite cité de caractère, est également classée au programme des petites villes de demain. Nous mangeons avec la famille de Robin et des habitants, et échangeons au sujet du tissu associatif local, de l’identité haut-marnaise et des volontés permettant de porter des projets pour dynamiser le territoire. Pour le fromage, Valérie, des Biquettes de Valérie, nous régale d’un plateau d’une dizaine de fromages. La Tour des Villains nous surprend réellement. La structure, ouverte depuis peu, est un tiers lieu culturel, événementiel, aidant à l’animation locale. C’est finalement une autre façon d’envisager le service public, les services au public. Différents projets sont prévus pour les années à venir afin de créer du lien et développer la vie économique. Portés par une personne aussi lucide et motivée que Robin, il ne fait aucun doute que ces projets en vaudront la peine, bénéficieront aux habitants et sauront attirer par-delà le Montsaugeonnais.

La Tour des Villains, c’est la preuve que lorsque des habitants volontaires et ambitieux s’associent, tout est possible en Haute-Marne, car nous avons toutes les compétences, ne reste qu’à les fédérer. Lorsque l’on donne plus de moyens et davantage de place au tissu associatif, celui-ci le rend bien et contribue à animer le territoire. Nous constatons également que le sud-ouest de Langres est dynamique et qu’une prise de conscience s’est déjà opérée quant à la nécessité de fonctionner en réseau et de penser par-delà les secteurs et habituels cloisonnements. Nous avons hâte d’être à demain afin de découvrir plus en détail le village de Montsaugeon, avant de filer en direction de Chassigny, où une météorite a décidé d’emménager en 1815…

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