Deuxième journée sur les routes de la Haute-Marne. 75 kilomètres au compteur, une dizaine de communes traversées, et les premières personnes qui nous saluent, nous encouragent…

7h. Reveil à l’Herberie de la Tille. Nous sortons de notre roulotte et rejoignons Elsa qui nous prépare une potion dont elle a le secret pour nous réveiller, impossible à refuser.

8h15. Nous nous élançons et, preuve qu’il est encore tôt, croisons une personne âgée donnant à manger à ses poules, première activité de la journée, avant de nous tromper de chemin.

8h45. Eric Prodhon, de l’Atelier des Ondines, nous attend à Chalancey, nous l’espérons tout du moins, les problèmes de réseau téléphonique nous empêchant de le contacter. Eric nous accueille avec un enthousiasme sincère et nous montre sa chambre d’hôtes, décorée par ses soins, très prisée des touristes, principalement étrangers. Il possède un atelier d’art présentant des artistes locaux essentiellement, mais pas que, des peintres, sculpteurs, artistes textile… Il a peint les Ondines des sources du plateau de Langres, qui donnèrent leur nom à son atelier, d’après une légende germanique. Son atelier comporte également un bar ainsi qu’une table où il propose des plats traditionnels (non pas des plats haut-marnais, ça n’existe pas, les plats sont champenois ou bourguignons). Eric est la preuve vivante qu’un Haut-Marnais sait tout faire : peintre, sculpteur, graphiste, restaurateur, barman, gérant d’une chambre d’hôtes et même conteur, excusez du peu.

yourte Eric prodhon

Nous sentons qu’Éric trépigne d’impatience a l’idée de nous montrer son hébergement insolite : une yourte mongole. Ça n’est pas une coquetterie mais un vrai projet réfléchi, Eric étant un inconditionnel de la Mongolie. Il a d’ailleurs voyagé jusqu’à ce pays depuis Dijon sans avion en 2009, qu’il relate dans un cahier à disposition des hôtes. Il est intarissable d’anecdotes au sujet de ses voyages et de la culture mongole. Il prépare par ailleurs une soirée philosophie et des soirées contes pour adultes.

9h30. Nous prenons un thé et un café et refaisons le monde, la Haute-Marne donc, tous les trois. Le temps passe trop vite en sa compagnie.

10h30. Nous sommes accueillis par Sophie, haut-marnaise d’adoption qui développe son projet, les Alpagas d’Orival. Nous prenons plaisir à approcher les animaux, c’est après tout un animal plutôt rare dans notre département et amusant à observer. Sophie produit de la laine, pas de viande, surtout pas, et vend pelotes et articles à la boutique Made in Pays de Langres. Elle nous conduit à son élevage constitué d’alpagas de races Huacaya et Suri. Elle a commencé par acheter un lama, puis s’est intéressée à la filière laine. Tondus une fois par an. Laine hypoallergénique et maigre. Elle possède aussi des chèvres angoras.

jardins bio de vaillant

11h20. Nous arrivons à la Régie Rurale du Plateau, à Vaillant, structure d’insertion par l’emploi d’une cinquantaine de personnes en difficulté et employant 12 permanents. Visite des jardins avec Cécile qui aime autant la nature que les humains. Ateliers support, accompagnement social et professionnel, trouver un logement, aide pour faire les papiers, pour passer le permis, aider à reprendre une formation, tant de missions ô combien importantes supportées par cette grande famille. Plusieurs chantiers sont menés de front, comme le chantier environnement dont le responsable est Stéphane. Le chantier maraîchage bio, lui, est tenu par Cécile, notre guide. Ce chantier historique du projet permet à 260 adhérents de recevoir chaque semaine des paniers de légumes biologiques. Des partenariats sont en place avec d’autres maraîchers bio des environs, la concurrence n’existe pas mais le lien est primordial. Tous ces projets marchent tellement qu’un grand projet d’agrandissement, pour produire des légumes bio pour les cantines scolaires notamment, va bon train.

12h30. Nous mangeons avec les responsables de la structure et partageons un repas local et bio avec une spécialité locale, la tartatouille ! Nous sommes impressionnés et touchés de voir des personnes arrivant à créer, dans la bonne humeur et la convivialité, ce qu’il y a de plus fort et beau dans l’humanité, et qui est tellement important pour un territoire rural comme le nôtre : du lien et de l’espoir.

Multiferm du val

14h. Arrivée à la Multiferm après une déambulation à Val-d’Esnoms. Hippolyte Babouillard, Secrétaire général de la Confédération paysanne de Haute-Marne et éleveur de volailles nous présente les lieux, une structure qui rassemble 15 associés, essentiellement des éleveurs mais aussi un maraicher. Ce projet est né de la réflexion autour de la pérennité d’une ferme en Haute-Marne, en cherchant à redonner du tonus dans les petits villages. Ce collectif a donc créé un système de vente directe des producteurs dès 2006 dans ces lieux, et un an plus tard vers Dijon, en Bourgogne. Chez Multiferm, la stabilité des prix est garantie pour les producteurs et il n’y a pas d’intermédiaire, la solution clé dans ce secteur, souvent malmené par « ceux du haut », « qui dictent les règles depuis des tours ».

15h15. Tandis que des paysans moissonnent sur notre chemin, une vingtaine de buses tournoient au-dessus d’une prairie fraîchement fauchée. Spectacle qui nous laisse sans voix. Nous passons chez Laurent Aubertot, président de la CCAVM, et maire d’Aprey. Il nous conseille de passer voir des jeunes construisant une cabane en haut du village. Ce que nous faisons, évidemment.

16h10. Arrivée à la Huilerie du Haut du Sec. C’est la première huilerie à s’être installée en Haute-Marne. Le colza, le tournesol, ou la cameline arrivent en grains dans une grande presse à froid, agrandie il y a peu pour faire face à une demande croissante. L’huile s’écoule lentement d’un tuyau, non filtrée, jusqu’à une cuve de 1000 litres où elle reste un mois pour la décantation. Les restes de la graine pressée ressortent en tourteau pour vaches, ou les amorces pour la pêche, qui tombent dans un sac. Ici, rien ne se perd, tout se transforme ! 25 000 litres sont produits par an, avec une grande fierté, leur huile de colza a été primée meilleure huile de colza au monde, au concours international des huiles du monde en 2020.

Huilerie du haut du sec

17h30. Nous recherchons le Mont Blanc haut-marnais, perché à 523 mètres d’altitude, mais nous n’avons pas trouvé une preuve formelle tant toute cette zone forestière semble recouverte. On nous avait pourtant affirmé qu’une borne indiquait ce lieu, sommet du département. La Haute-Marne ne sait pas se mettre en valeur. La Haute-Marne est discrète. La Haute-Marne est secrète.

18h15. Passage à Perrogney-les-Fontaines, chez Théo, pour un petit bisou à son chien Figaro et le déchargement de quelques affaires en trop prises « par précaution ».

20h30. Nous arrivons par hasard au Café éphémère, à Langres, après un tour des remparts pour admirer le coucher du soleil. Nous sommes invités avec entrain à prendre un verre. En fait, un verre de Choue, bière haut-marnaise, nous est carrément mis en main tant l’ambiance est ici conviviale. On s’adresse à Théo : « C’est toi qui est tombé dans la côte de Vieux-Moulin il y a 20 ans ? C’est moi qui t’ai ramassé ». Théo s’empourpre. C’était bien lui.

coucher de soleil Langres

21h15. Nous arrivons à l’hôtel de la Poste, plus vieil hôtel de France. Les trésors haut-marnais ne sont parfois pas là où on s’attend de les trouver.

Demain, nous passerons une bonne partie de la journée dans Langres, ville natale de Denis Diderot, entre autres fiertés, avec un passage au fort de Peigney, un des huit forts détachés construits pour protéger la ville de Langres au XIXe siècle.

(Suivez-nous sur les réseaux sociaux Facebook, Instagram et Twitter pour plus de photos !)