« La Haute-Marne, c’est quoi ? » « C’est où ? » « Qu’est ce qu’il y a à faire là-bas ? »
Ces questions, nous les avons entendues à maintes reprises, peu importe où nous allons. Nous répondons alors que le département est situé entre Paris et l’Alsace, ou entre Nancy et Dijon si l’interlocuteur souhaite être un peu plus précis. C’est dans cette réponse que se trouve la principale problématique du territoire : il est méconnu, méconnu car peu mis en valeur, méconnu car pas assez promu, méconnu car sans identité propre. Véritable carrefour situé à l’intersection de 4 régions, il y a pourtant tant à dire à son sujet. Cette question, nous nous la sommes aussi posée juste avant notre départ et nous nous la reposerons également à la fin de ce tour du monde. Notre réponse sera forcément différente après cette aventure.
Place maintenant au récit, quasiment heure par heure, de ce que nous avons vécu aujourd’hui, à la rencontre de projets qui ont de quoi rendre fiers les Haut-Marnais !
6h45. Un réveil difficile après une courte nuit introduit notre premier jour de tour du monde de la Haute-Marne. Après une nuit perchée en haut des rafraîchissants nids d’Amorey du projet “Chemins de Traverse”, nous nous dépêchons de ranger affaires, matelas et sacs de couchage, puis quittons le nid avec notre fidèle ânesse Noisette. Nous la laissons après le trajet d’une trentaine de minutes dans son enclos à la maison forestière des Charbonnières d’Auberive et reprenons nos vélos.
8h45. Nous arrivons à l’Abbatiale, charmante auberge au style médiéval où chaque détail nous fait voyager dans le temps, des lavabos à la cheminée, des statues aux meubles. Ici, après avoir été accueilli avec un grand sourire par Ana Maria, nous entendons parler français, anglais, néerlandais, allemand, preuve que le lieu attire et plaît, et c’est bien compréhensible.
9h. Nous rejoignons l’Abbaye d’Auberive et notre parrain, le maire et propriétaire des lieux, Jean-Claude Volot. Il nous y attend avec Laurent Aubertot, président de la CCAVM (Communauté de communes d’Auberive, Vingeanne, Montsaugeonnais) et deux jeunes habitants du village (Benjamin Thiery, conseiller municipal et président du comité des fêtes, et Louis, cycliste chevronné). Malgré notre connaissance de ce lieu, nous prenons plaisir à écouter monsieur Volot, le petit paysan de Signéville ayant créé son entreprise avec des succursales aux quatre coins de la terre, nous narrer la raison d’être de ce lieu, un centre d’art contemporain dédié à la collection Volot, l’une des plus importantes d’Europe dans son secteur. Chaque été, une grande exposition est d’ailleurs proposée au public, choisie parmi la collection. Cette année, c’est Marc Petit qui est mis à l’honneur jusqu’au 23 septembre. L’année prochaine, le manga sera valorisé !
Ce qui est singulier à mentionner, c’est qu’une partie de l’abbaye accueillera dans les prochains mois des startups de l’internet. Auberive, future Silicon Valley bourguignonne au cœur du nouveau Parc national de forêts ? Affaire à suivre !
10h. Visite de la commune avec Benjamin Thiery, futur maire du village, Louis et Sandrine la mère de Théo. Benjamin nous montre avec enthousiasme son lieu de vie et nous parle de Divona, cigogne noire ayant élue domicile à Auberive et symbole d’un parcours touristique à travers les curiosités de la commune. C’est bien la preuve que la commune rayonne par-delà les frontières du département si même les oiseaux exotiques choisissent d’y résider ! Il nous montre la boulangerie, dont la terrasse est occupée par une dizaine de touristes et dont l’étage accueillera un plateau avec des startups et entreprises de la santé et de bien-être, la médiathèque, les aménagements prévus devant la mairie… Nous observons trois artistes peindre Gaïa, la terre vue du ciel, avant de passer devant le futur terrain multisports de la commune ainsi que le camping… Voir autant de vie dans un village haut-marnais est surprenant et ô combien plaisant.
11h. Nous nous rendons à Biotopes avec Jean-Claude Volot, Benjamin et Louis. Cette structure est une station de triage polyvalente de haute technologie permettant de sécher, collecter, trier, nettoyer, dé-mélanger, décortiquer les graines locales et nationales issues de l’Agriculture Biologique. Cette structure peut valoriser toutes les graines, du quinoa aux lentilles, de la luzerne au tournesol, etc. Elle est capable de séparer les mélanges agronomiques, c’est-à-dire quand les céréales et légumineuses sont plantées ensemble et donc récoltés en même temps, ce qui est fréquent en Agriculture Biologique. Ainsi, Biotopes effectuant seulement la prestation, les agriculteurs se passent d’un intermédiaire, restent propriétaires de leurs graines et peuvent valoriser leur production et vendre en circuit court. La captation de valeur ajoutée sur la matière première étant un enjeu capital pour l’agriculture, Biotopes, structure unique en Europe, permet de redonner le pouvoir final aux producteurs !
12h. Accompagnés en vélos par Benjamin, qui souhaite s’exercer avant de gravir le Mont Ventoux, et par Louis qui essaie de nous dépasser sans succès (sans rancune, Louis !), nous arrivons à Colmier-le-Haut. Notre destination est la ferme de la Maison des Biquettes, fondée par la l’énergique Marylène Dupaquier. Elle s’installa ici en février 2017. Si les chèvres furent achetées au départ en Touraine, le cheptel s’est depuis agrandi pour atteindre 173 chèvres. « Je voulais faire du lait ». Avec un père éleveur laitier (de vaches) mais pas assez de place pour commencer une activité bovine sur ses terres, Marylène, de retour dans le village après une expatriation à Dijon, a alors courageusement innové en se lançant dans l’élevage de chèvres. Ici, tout est bio : 90% de la production de lait de chèvre part en laiterie, les 10% restants sont transformés à la ferme en fromages, vendus dans celle-ci mais également dans quelques marchés des alentours ainsi que dans la boutique Made in Langres. Elle est également membre du collectif Retour aux sources. Avec Marylène, nous voyons des porteurs de projets motivés, ambitieux, passionnés, lucides, qui, s’ils reconnaissent que le département souffre d’un manque de reconnaissance et d’un certain entre-soi, savent que le potentiel est là et que l’union fait la force.
En la voyant, nous ne pouvons nous empêcher de penser que si la femme est l’avenir de l’homme, les femmes sont également l’avenir de l’agriculture haut-marnaise.
Nous reprenons la route et longeons une ripisylve paresseuse, puis un héron à l’affût. Théo s’arrête pour photographier une 2CV 007 jaune… en édition limitée s’il vous plaît ! Un renard nous aperçoit et s’enfuit. Des vaches nous aperçoivent et accourent. Théo, plus habitué aux chevaux qu’aux bovins, saisit sa chance et fait la course avec elles.
15h. Un passionné, connaissant la flore haut-marnaise comme personne, nous guide à travers sa collection d’arbres et arbustes qu’il a commencé en 2015. Il souhaite redonner le goût de la botanique, qu’il élève au rang d’art, dans ce magnifique lieu qu’est l’Arboretum des Charmettes. Pourtant, sa collection est connue par des passionnés en Angleterre, Belgique, Allemagne, mais peu connue des Haut-Marnais alors que ce lieu gratuit est un véritable laboratoire à ciel ouvert, ô combien précieux à l’heure où le dérèglement climatique impose de réfléchir à long terme sur les végétaux capables de s’adapter à notre climat. Pascal a remporté le Prix du jury des Idées Inspirés du Conseil Départemental de la Haute-Marne dans la catégorie nature, et ses centaines de spécimens, plantés en terre ou graines attendant leur tour en bac, ont de quoi donner le tournis. Face à tant de plants, on se sent bien ignare, et l’on ne peut que s’incliner face à l’ingéniosité de la nature et à l’harmonie des couleurs et formes qu’elle nous offre.
18h10. Le soleil décline, le frais glisse le long de nos jambes, la fatigue commence à se faire sentir mais un regain d’énergie nous envahit à la vue de l’exceptionnelle Herberie de la Tille. Ce paradis calme et coloré, est entouré de plantes médicinales et aromatiques au beau milieu d’animaux donnant à son chez elle un côté enchanteur. Ses produits, d’après nos regards de voyageurs, sont recherchés dans le monde entier. Ils nous font nous rappeler des producteurs argentins ou encore chinois. Les Haut-Marnais ne le savent pas, mais ils sont au niveau des meilleurs. Et puis Elsa nous fait découvrir un autre mode de vie, une nouvelle façon de penser, plus saine, plus sage, une manière aussi sans doute de nous reconnecter avec notre beau territoire. C’est autour d’une infusion de camomille que nous rédigeons ces dernières lignes, avec un sommeil qui nous sera bénéfique.
Demain, nous irons de Chalancey… à Langres, ville natale de Théo, qui j’en suis sûr, ne manquera de vous rappeler sur les réseaux sociaux que sa ville est la plus belle ville… du monde.
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2 Comments
Coudray
10 Août 2021 - 8:08 amSuperbe première journée. Que de projets et ressources locales. Vous nous faites rêver . quelle belle initiative. J'ai pour projet de mettre en valeurs ces richesses locales au sein d'un site départemental qui décrirait les 426 communes du département : commerces, patrimoines, animations, histoire, économie locale, tourisme, hébergement, anecdotes historiques, vie du village, fêtes..... Bonne route et si vous passez par Chaumont je peux vous accueillir.
DORKEL
10 Août 2021 - 1:08 pmLa haute Marne est un pays à part entière. Elle s'est forgée en tant qu'entité originale à partir de ses racines champenoises , bourguignonne et lorraine, pour devenir la Haute Marne. Un haut marnais ne se sent ni champenois, ni bourguignon, ni lorrain; il est avant tout Haut Harnais avec son accent paysan , et surtout il est fier de l'être sans ostentation . Il n'est pas démonstratif, mais beaucoup dans la retenue et la modestie. Le haut marnais est discret, attentif, conviviable. il est fier de son pays, mais ne cherche pas à ce que cela se sache. "Pour vivre heureux vivons caché" telle pourrait être notre devise.