Septième journée d’aventure pour Théo et moi, et nous vivons nos premiers moments sous la pluie, entre Guyonvelle et Coiffy-le-Haut. Les paysages changent, les odeurs aussi, et c’est dans un autre monde que nous pédalons pour les derniers kilomètres de notre journée.
9h. Après un bon petit-déjeuner chez Patrick, maire de Fayl-Billot, nous sommes attendus par Monsieur Decourcelles, de la Confrérie des façonneurs du noble osier, confrérie créée pour changer l’image de la vannerie et la promouvoir. Celui-ci nous présente le costume officiel de son ordre, une cape rouge, verte et jaune représentant les couleurs de l’osier, un couvre-chef en osier et un sceptre du même matériau. L’osier restait assez obscur pour nous. Nous pensions que cela provenait d’un arbre quelconque, voire de la paille. Révélation : l’osier est de la branche de saule. Les pousses sont coupées, triées en fonction de leur taille, puis pelées si besoin pour enlever la peau et enfin séchées. L’osier est alors appelé osier blanc. Il peut aussi être appelé osier brut, si l’écorce est laissée pour conserver une couleur rouge ou noire. Aujourd’hui, la plante est cultivée avec la technique du bouturage : des tiges sont directement plantées en terre. Auparavant connue pour ses chaises, Fayl-Billot est la capitale de la vannerie, héritage d’une tradition remontant au XVII ème siècle. Le secteur n’est toutefois plus aussi florissant qu’auparavant. Alors que la France comptait 40 000 vanniers en 1920, il n’y en a plus que 300 aujourd’hui, bien que ce nombre augmente de nouveau.
10h. Boutique de vanniers Crocane, où des objets vannés par des vanniers de toute la France sont exposés et en vente, même si la plupart sont installés à moins de 50 kilomètres de Fayl-Billot. La majorité de ces artisans ont été formés à l’École Nationale d’Osiériculture et de Vannerie. La vannerie innove, et des vanniers locaux sont même apparus sur la Une d’un magazine de design à Milan, capitale du design. Nous revient en tête une phrase prononcée par Patrick, le maire de Fayl-Billot, disant que le secteur de l’osier était sur la pente ascendante. Nous n’en doutons pas. Ce savoir-faire, cette production et cette histoire sont incomparables en Europe ; Fayl-Billot doit alors être le fer de lance de ce secteur, et dispose des armes pour perpétuer les traditions, mais aussi et surtout innover pour répondre aux nouvelles attentes des consommateurs, à condition de trouver des personnes motivées pour travailler dans ce domaine pas si simple mais prenant.
10h45. Surprise à la maison de la vannerie, nous tombons encore nez à nez avec monsieur Bailly, de Langres, Président de l’Office de Tourisme de Fayl-Billot ; nous le soupçonnons d’être fan de nos aventures et de nous suivre spécialement pour nous proposer de boire un verre avec lui.
12h. Arrivant à Guyonvelle au son des cloches, une délicieuse odeur de barbecue nous indique qu’il est temps de passer aux choses sérieuses. Nous continuons et longeons une des deux rues de village pour nous installer au restaurant L’Assiette II. Là, Jean-Marie, le propriétaire, nous reçoit dans ce cadre reposant et magnifique surplombant la vallée.
Michel, artisan de Courcelles-en-Montagne que connaît bien Théo, vient nous saluer.
13h. Jean-François, le 1er adjoint de la commune, nous rejoint, en compagnie de Fabien, régisseur et membre du conseil municipal. Nos discussions permettent de mieux comprendre la commune et ses environs. On nous apprend que pas moins de 12 nationalités se côtoient ici. Un monde en miniature. Autre petite leçon d’histoire, le nom « Guyonvelle » signifie « villa de Guy » car Guy était le nom du seigneur ayant bâti son château ici. Nous nous couchons décidément moins bêtes chaque jour et pensons avoir de quoi participer à « Questions pour un champion » d’ici à notre arrivée à Saint-Dizier. Nous constatons que le secteur de Guyonvelle, l’est haut-marnais, est influencé par la Champagne, la Lorraine et la Bourgogne, raison peut-être pour laquelle le village est un village-rue, comme de nombreux villages lorrains. En effet, les maisons sont alignées le long d’une rue principale, assez reculées par rapport à la chaussée. L’espace ainsi laissé était en fait l’usoir, auparavant destiné à stocker matériel agricole et fumier (signe extérieur de richesse autrefois, la quantité de fumier indiquant une bonne quantité de vaches chez le propriétaire).
14h. Nous visitons l’Arbre à cabane. C’est le numéro 1 dans le Grand-Est pour les cabanes perchées, formidable espace de 8 cabanes de tailles variées, à l’architecture magnifique et joliment trouvée. 3 000 clients par an se pressent ici, le restaurant et les cabanes étant quasiment tout le temps complet durant l’été.
14h30. Le déluge arrive sur Guyonvelle et les clients du restaurant se réfugient à l’intérieur. Nous courrons abriter les vélos à l’intérieur et nous rendons avec Jean-François jusqu’à l’église du village. Un drapeau coréen nous surprend à l’intérieur, la Haute-Marne et la Corée du Sud n’entretenant, à notre connaissance, pas spécialement de lien étroit. Cette bizarrerie s’explique : Guyonvelle est célèbre en Corée du Sud… car un missionnaire catholique natif du village, Martin Luc Huin, y fut décapité. Des touristes coréens viennent parfois dans la commune pour déposer des fleurs à l’église, devant son tibia, conservé et exposé.
15h. Nous reprenons la direction du restaurant. Guyonvelle, comme de nombreux villages haut-marnais, est devenu un village franco-néerlandais au vu des nombreuses plaques d’immatriculation que nous voyons.
15h15. Jean-Marie nous invite à boire un verre en attendant que l’orage passe. Nous en profitons pour échanger au sujet du lieu et du tourisme en Haute-Marne, et nous constatons encore une fois que des porteurs de projets ambitieux et lucides peuplent nos campagnes.
15h45. Nous partons, le temps semble calmé. En sortant, la brume donne aux environs un côté un peu plus mystique. Cela rappelle à Théo certaines contrées chinoises et me rappelle la province argentine de Misiones baignée dans les brumes tropicales non loin des chutes d’Iguazú. Des néo Haut-Marnaises nous reconnaissent et nous félicitent pour notre périple qui leur permet de découvrir le département.Originaires d’Orléans et de Madère, elles nous confient, signe du destin pour nous après notre matinée à Fayl-Billot, s’être installées dans le département pour étudier la vannerie.
16h45. Nous avons attendu que l’orage cesse. Heureux d’avoir attendu au sec, nous reprenons la route une fois le déluge passé, mais la pluie revient nous doucher. Heureusement, le sourire de Florence Pelletier nous réchauffe le cœur à notre arrivée à Coiffy-le-Haut où nous dormirons. Nous entrons en son domaine afin de nous mettre au chaud et savourer un délicieux verre de rosé de 2017.
20h. Visite des vignes du domaine Florence Pelletier. Ce vignoble est réputé dans toute la Haute-Marne, et nous en tenons pour preuve que plusieurs fois depuis le début de cette aventure, leur vin nous a été proposé. Nous passons à travers leurs vignes en voiture, spectacle incroyable avec un coucher de soleil qui nous laisse sans voix. Pierre Pelletier touche ses raisins à travers la fenêtre de sa voiture et constate que le mildiou fait des ravages. Il nous montre une source d’eau sans minéraux, « bonne pour équilibrer la goutte, les vieux savent ça ici ».
21h. Pierre Pelletier souhaite nous montrer les tours de la cathédrale de Langres, qui selon ses dires s’aperçoivent depuis Coiffy-le-Haut, perchée à 425 mètres d’altitude. Le temps orageux n’a pas pu nous permettre d’affirmer ce propos, nous vous tiendrons au courant demain ! Sur le retour, Pierre croise un de ses amis, en l’ayant interpellé avec un prénom au hasard. Cet ami, rebouteux, est aussi intéressé par la spiritualité. Pierre nous dit que les gens ayant la même façon de vivre s’entendent bien et se côtoient. Je lui dis que mes amis sont pour la plupart alcooliques et que je devrais dans ce cas me poser des questions, ce qui le fait rire.
Demain, des arrêts sont prévus à Bourbonne-les-Bains, Varennes-sur-Amance, Marcilly-en-Bassigny, Andilly-en-Bassigny et Nogent.
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