Un maître mot résumant toutes nos rencontres du jour s’est très vite imposé à l’écriture de cet article : la transmission. De Nogent à Leffonds, le souci d’héritage et de transmission fut au coeur de nos discussions tout au long de cette venteuse journée, qui signe également le passage des 400 kilomètres depuis le début de l’aventure, il y a 9 jours.

8h30. Réveil à Nogent. Gaëlle, la cousine de Théo, nous a préparé un petit-déjeuner qui, comme le dîner de la veille, est composé d’aliments vivants avec la fermentation, le cru et la cuisson vapeur à l’honneur. Elle nous fait ensuite participer à un atelier afin de réaliser une lactofermentation de courgettes et des boules d’énergie à amener dans nos sacs.

10h. Nous sommes accueillis par Aurélien au musée de la coutellerie, qui attire 5 000 visiteurs par an. À Nogent, le terme de coutellerie rassemble coutellerie, cisellerie, outillage, instruments de toilette et instruments chirurgicaux. Nous voyons ici le passé et le présent de cet artisanat varié. Il a su évoluer pour survivre et s’adapter aux nouveaux besoins. Instruments chirurgicaux et implants prothétiques sont désormais les produits les plus vendus malgré la concurrence pakistanaise et sud-asiatique. À la fin du XIX ème siècle, la coutellerie représentait 6 000 emplois dans le bassin de Nogent. Aujourd’hui, la plupart des couteliers ont disparu ou partent à la retraite. La coutellerie de luxe, elle, se perpétue. Nous apprenons avec stupeur que le couteau suisse n’est pas suisse mais nogentais. La modestie légendaire des Haut-Marnais aurait-elle empêché ce célèbre accessoire de posséder un nom bien de chez nous ?

10h30. Nous rendons visite aux Frères Henry, couteliers depuis des générations. Pénétrer dans leur atelier, dans l’arrière de leur boutique, c’est entrer dans un musée vivant. Un « bordel » bien organisé, où un siècle de savoir-faire est entreposé. A priori, ils seront les derniers, personne ne souhaitant reprendre l’activité après eux.

11h. Nous passons saluer Dominique à Nohmad, l’Office de tourisme de Nogent, qui propose expositions locales, artisanat et circuits. Il est également possible de consulter l’application ID Vizit pour avoir accès à des informations et circuits dans le sud haut-marnais, dont Nogent.

11h15. Monsieur Prodhon, élu municipal, premier adjoint à la culture, à la communication et au tourisme, nous accompagne à la jolie église Saint-Jean, édifice qui ferait presque mal aux yeux tant sa blancheur rare nous frappe. À travers nos discussions, nous constatons que la ville de Bernard Dimey n’est pas que la ville de la coutellerie, cela serait réducteur et contreproductif. Au contraire, le patrimoine de la ville est riche et peut attirer un tourisme plus familial, appréciant les particularités locales. Nous constatons que la plupart des communes haut-marnaises auparavant dédiées à une seule sorte de tourisme ou ne relevant que d’une spécialité (Fayl-Billot, Bourbonne-les-Bains, Nogent, etc.) ont pris conscience qu’un changement de paradigme était nécessaire. Nous pensons que si les paroles sont suivies d’actes, la Haute-Marne aura alors davantage d’atouts pour se diversifier et attirer.

12h. Nous arrivons devans les jardins de Nogent Partage, où Fabien et sa famille nous reçoivent. À travers leur association, iIs essaient d’initier les habitants au troc, aux échanges. Avec une monnaie créée par l’association, la breloque, les adhérents pourront bientôt s’échanger des services (tondre la pelouse, acheter des graines, apprendre à jouer de la guitare…). Un propriétaire privé a permis à l’association d’occuper ses terrains gratuitement et d’en faire des jardins partagés et pédagogiques. Cela a l’air prometteur malgré les récoltes médiocres de l’année. Fabien a de nombreuses idées pour développer le lieu et nous sommes ravis de voir des habitants aussi motivés et créatifs qui bâtissent un projet avec une conviction forte : recréer du lien, de l’animation, autour du local et de l’écologie.

13h. Après avoir bravé les éléments, nous arrivons à Mandres-la-Côte où le musée Ferme d’antan, tenu par des passionnés dans une ferme d’époque, nous ouvre ses portes. C’est le seul musée de ce genre dans le département. À travers plusieurs espaces, des objets essentiellement haut-marnais sont exposés et font revivre l’habitat et le monde agricole d’autrefois. Nous passons de l’espace dédié au sabotier, à celui consacré au potager, puis à la coutellerie, au cordonnier, etc., autant d’objets que nous avions croisé, un jour, dans une grange, sans prendre le temps de les regarder. Nous arrivons aux caves en passant par un espace étroit, pas évident quand on mesure 1 mètre 80, et Théo essaie une meule s’actionnant en pédalant, sans doute nostalgique de nos vélos que nous n’avons pas touché depuis 20 minutes. Encore une fois, et comme chaque jour qui passe de notre tour du département, on nous dit que, « en Haute-Marne, on ne sait pas mettre en valeur ce que l’on a ». Nous ne pouvons qu’être d’accord, et c’est une des raisons d’être de notre récit. Dans notre département, nous avions, nous avons et nous aurons. Reste à soutenir les formidables initiatives qui naissent dans chaque recoin de notre territoire.

atelier Fabrice liiri

14h30. Fabrice Liiri nous reçoit dans son atelier. Devenu Meilleur Ouvrier de France et reçu à l’Élysée, cet ancien contrôleur dans le médical a réussi grâce à sa passion à sublimer le savoir-faire artisanal avec des techniques anciennes maîtrisées à la perfection. Véritable alchimiste, il ne transforme pas le plomb en or mais l’inox en art. Les pièces sont si délicates que nous avons peur de les prendre dans les doigts. Les motifs sont fins et variés, les cœurs côtoyant les effigies de Johnny Hallyday, et Fabrice transmet sa passion avec une telle ardeur que nous serions prêt à apprendre le métier auprès de lui immédiatement… mais cela a l’air si compliqué que nous préférons reprendre nos vélos, après avoir accepté volontiers quelques paquets de gâteaux pour nous redonner de l’énergie. Direction Rolampont !

15h45. Après une côte difficile, Romuald de La ruche qui dit oui nous offre un délicieux jus de pomme. Il nous décrit le projet qu’il a lancé il y a 7 ans, avec pour objectif de rassembler des producteurs locaux et de proposer des produits frais. Cette démarche permet de garantir un juste prix aux producteurs, qui perçoivent plus de 80% du prix de vente. La discussion évolue et Romuald nous parle de sa passion pour l’aviation et nous offre un cours théorique passionnant de pilotage de planeur. Quel plaisir d’échanger avec des passionnés.

17h. Après avoir emprunté la caillouteuse voie romaine à vélo, une expédition digne de la course cycliste Paris-Roubaix, célèbre pour ses pavés, le mausolée gallo-romain de Faverolles, bâti au 1er siècle, se trouve devant nous. C’est le plus grand mausolée connu au nord de la France, découvert en 1970. Doté de 11 étages, il incarne la puissance et la richesse du défunt… mais il est impossible de savoir qui il était. Il aurait pu être un riche propriétaire terrien ayant possédé une villa vers Faverolles. Le monument fut exploité comme carrière de pierres depuis le Moyen-Âge et a donc été grandement endommagé.

17h15. À l’atelier musée de Faverolles, nous sommes gâtés : la guide, Juliette, nous offre une visite VIP de l’exposition. Armée d’un bâton, elle nous explique les différents étages du mausolée avec précision et passion. C’est un plaisir de pouvoir être guidés dans la bonne humeur et de bénéficier d’autant d’informations rien que pour nous, au sujet d’un lieu dont nous ne savions rien et qui mérite d’être connu.

18h15. Nous reprenons la route, épuisés, le vent nous cassant et nous sciant les jambes. Après une telle journée, nous méritons bien une bonne soirée. Mais avant, il faut rejoindre Leffonds en empruntant des chemins boueux où nous manquons de tomber à plusieurs reprises.

18h50. Nous arrivons à Leffonds, dans le gîte de la Cressonnière de Haute-Marne. Après avoir franchi la cour, nous nous retrouvons au paradis. Dany et Dominique nous offrent le gîte comme si nous étions de la famille et, avant même d’écrire nos différents articles, nous ne résistons pas à l’idée d’aller voir la basse cour et les chevaux, dans un paysage somptueux. Nous passerons la nuit dans leur roulotte, et c’est depuis celle-ci que nous terminons ces lignes.

Demain, des arrêts sont prévus à Giey-sur-Aujon, Saint-Loup-sur-Aujon, Bugnières et Arc-en-Barrois.

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