Le soleil et les températures estivales sont revenues pour la fin de notre tour du monde de la Haute-Marne. Nous sillonnons le nord du département, toujours très marqué par plusieurs centaines d’années de succès industriel. Récit du jour, le long de la Blaise…
8h30. Nous prenons le petit-déjeuner avec Vincent Rondelet. Celui-ci, en plus de tenir des chambres d’hôtes, est également céréalier bio.
9h30. Nous sommes accueillis à la mairie, ancien tribunal, par un cadeau offert par Alexandre, adjoint à la mairie : un paquet des fameuses caisses de Wassy. On nous précise qu’elles sont bien de Wassy, pas d’ailleurs, cela fait paraît-il toute la différence. Janie et Aurélie, adjointes à la mairie nous rejoignent également. Richard, conseiller municipal et notre historien du jour, nous confie que la venue de Marie Stuart, reine d’Écosse et reine consort de France, serait en fait une légende. Elle n’aurait donc pas pu inventer la recette des caisses de Wassy mais elle a en tout cas hérité du comté de Wassy. Mais nous aimons les légendes. D’autres légendes content que Caracalla et Attila ont fait incendier la ville.
En 1562 a lieu l’événement qui ancra la commune dans l’histoire. Wassy comptait une communauté protestante importante. Le Duc de Guise, à cause de ses ambitions politiques (il était un des chefs de file des catholiques que l’on qualifierait aujourd’hui d’intégristes), passa par la ville et décida le massacre d’une cinquantaine de protestants dans une grange. Les guerres de Religion débutèrent. Mais Wassy ça n’est pas qu’une ville liée à un massacre aussi historique. C’est aussi la ville du peintre François Alexandre Pernot, la commune où vécurent le sculpteur Camille Claudel et l’académicien Paul Claudel, un des bassins miniers les plus importants de France au XIXème siècle avant que le bassin lorrain prenne le relai. Ce passé industriel se reflète encore dans le bâti et dans les statues du parc des promenades et ses fontes d’arts, notamment de Durenne. On apprend que la métallurgie est toujours le premier employeur privé du département avec 10 000 salariés et 225 entreprises. L’industrie sidérurgique est aujourd’hui sur la pente descendante, reste de la grande époque, mais ces entreprises ont dû se transformer pour se spécialiser. Elles n’emploient plus autant de personnes, aussi la ville doit infléchir son identité pour redorer son blason.
La mairie change son site internet, essaye d’aider le domaine associatif qu’un habitant nous a décrit comme étant très peu actif, le carnaval de Wassy vieux de plus de 200 ans est à faire revivre. La ville étant au centre du nord Haute-Marne, elle peut encore capitaliser sur sa fonctionnalité et attirer des habitants, mais cela ne suffit pas. L’artisanat se développe, la jeunesse est très présente dans le discours de la mairie, le tourisme croît à travers l’histoire locale, mais également le tourisme vert et bleu avec « la digue », à savoir le réservoir des Leschères. Wassy possède en outre un patrimoine important à mieux valoriser. On peut citer la Tour du Dôme, la superbe église du XIIème siecle, etc. Nous sommes rassurés de constater que même une ville que l’on qualifie de ville en déprise et n’attirant pas en dehors de son bassin de vie cherche aujourd’hui à se renouveler, même s’il y a du travail. La prise de conscience que le passé est passé est primordial, l’industrie ne sera plus jamais aussi importante qu’il y a un siècle, Wassy souhaite donc garder l’existant et le développer.
10h30. Nous entrons tous les six dans le musée protestant de la grange de Wassy, visitable sur rendez-vous à la mairie uniquement malheureusement, expliquant ce qu’est le protestantisme et les guerres de Religion, mais finalement peu d’informations sur le massacre de Wassy en lui-même.
10h35. Une touriste arrive et souhaite savoir ce qu’il y a à faire à Wassy. L’Office de tourisme de Wassy n’existe plus, l’intercommunalité ayant repris la compétence. Les touristes n’ont donc plus d’informations ni de lieu pour être reçus, et les plans touristiques ne sont plus à jour. La commune est donc privée d’une ressource intéressante.
10h55. Nous passons devant La Forgerie, théâtre rénové par la communauté de communes. Il fait partie d’un ensemble de 3 scènes dans la communauté d’agglomération SDDB. On apprend aussi que la commune ne dispose pas d’un restaurant moyenne ou haute gamme pouvant satisfaire des touristes.
11h15. Nous déambulons dans le parc des promenades pour admirer ses fontes d’arts.
11h45. Le maire nous reçoit à la mairie afin de nous encourager pour la fin de notre périple. Nous quittons la sympathique équipe municipale et sommes agréablement surpris. Wassy est certes une ville sinistrée qui connait d’évidents soucis économiques et touristiques, mais a enfin l’air d’avoir de nouveau rendez-vous avec son histoire.
12h05. Nous nous attablons au bar kebab Le Commerce. Plusieurs personnes nous reconnaissent et nous échangeons avec elles.
12h55. Nous empruntons la jolie piste cyclable allant de Wassy à Dommartin-le-Franc. Nous passons à l’arrière de l’énorme fonderie de Brousseval et sous un joli ouvrage envahi par les herbes.
13h30. Arrivée à Metallurgic Park où nous sommes accueillis par Élisabeth Robert-Dehault. Ici, 5000 personnes par an viennent visiter cet ancien site industriel du XIXème siècle. La structure est par ailleurs inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis 1986. C’est le premier site européen de valorisation du patrimoine industriel consacré à l’histoire et aux métiers de la fonderie, et une des plus anciennes usines de France, fondée en 1157. D’ailleurs, l’archéologue Louis Lepage date l’apparition du travail du fer en Haute-Marne à 750 avant JC.
C’était un des 90 hauts fourneaux qui existaient en Haute-Marne. Il y avait jusqu’à 200 usines, à peu près une par village dans le nord du département. La vallée de la Blaise est la plus ancienne vallée industrielle de France. En 1859, 85 hauts-fourneaux produisaient 90 000 tonnes de fonte, ce qui équivalait à 15% de la production française. En 1830, Louis Philippe arrive au pouvoir et modernise Paris, notamment la place de la Concorde et les Champs-Elysées. Il y a donc besoin de fonte pour les réalisations parisiennes d’équipement et d’ornement urbain : gares, immeubles, etc. La fonte haut-marnaise commence sa belle histoire et remplace le marbre et le bronze. Un film nous montre les œuvres haut-marnaises présentes dans le monde entier, et notamment en Amérique du sud. Cette vision est toujours impressionnante et est notamment due au succès des industriels haut-marnais lors des expositions universelles.
14h15. Nous reprenons les vélos et faisons 300 mètres pour arriver aux Fontes d’Art de Dommartin-le-Franc. C’est un conservatoire des arts de la métallurgie présentant outils et matériels de production. Nous y voyons une collection de célèbres cuisinières Maillard ainsi qu’une collection de plaques de cheminée, dont une représentant Henry IV à cheval, avec un paysan. En effet, lors d’une chasse, le roi s’était fait charger par un sanglier ; ce ne sont pas les nobles présents ce jour-là qui le sauvèrent, mais un paysan. Cette plaque de cheminée évoquant cette anecdote historique, servit donc à communiquer de manière positive sur le peuple. On retrouve également, comme au Paradis à Sommevoire, des fonds de modèles destinés à faire les moules accueillant la fonte.
15h15. Nous nous arrêtons au domaine du Mont-Remy à Nomécourt pour recharger nos vélos, le vent en pleine face nous ayant vidé les batteries bien plus vite que prévu. Ce château peut être loué pour des mariages notamment. Nous reprenons la route, nos batteries étant suffisamment chargées pour atteindre Joinville.
16h. Anthony Koenig nous attend en compagnie de Noomane pour nous présenter son magnifique couvent des Annonciades Célestes du XVIème siècle. Il fut reconstruit à partir de 1760 après un incendie puis vendu comme bien national après la Révolution Française, puis, enfin, a diverses utilités. Différents bâtiments disparaissent. Il devient enfin un couvent des Annonciades Célestes en 1842, religieuses cloîtrées. En 1969, le couvent ferme. Anthony et Noomane s’occupent désormais du lieu. Une ambitieuse campagne de rénovation a commencé en 2020. La suite se fera progressivement. Il est possible de faire un don via la Fondation du Patrimoine pour préserver ce monument.
16h30. Le maire de Joinville, Bertrand Ollivier, nous rejoint dans le potager du couvent et nous échangeons au sujet du programme de revitalisation du centre-bourg. Nous apercevons plus loin l’église de Joinville, au clochet le plus haut de Haute-Marne avec ses 82,6 mètres.
18h30. Pendant que nous écrivons l’article pour le JHM, le chef Noomane prépare un repas original, fusion entre la Haute-Marne, le Liban, la Thaïlande et l’Italie.
20h. Anthony nous raconte ses missions au sein de la Fondation du Patrimoine.
Demain, des arrêts sont prévus à Joinville, Rupt, Saint-Urbain-Maconcourt et Poissons.
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