Du fromage, des vieilles pierres… et une belle galère ! Un tour du monde, même à une échelle locale, c’est toute une aventure, des imprévus, des difficultés à résoudre et un inconfort face à des situations nouvelles. Cette fin de journée, qui avait pourtant débuté de bien belle manière, fut quelque peu difficile. Mais c’est ce que nous sommes venus chercher, et c’est pour cela que nous nous considérons en plein tour du monde, tout en restant dans notre département.

9h30. Nous devons laisser derrière nous la Source Bleue de Nathalie, lieu onirique où l’imagination est reine et les sens en éveil. À peine remis du repas du chef François qui mériterait d’être étoilé au guide Michelin, nous enfourchons nos vélos, direction le château de Gudmont-Villiers.

château de gudmont

10h. Le Comte Emmanuel Aved de Magnac nous reçoit dans la cour du château du XVIe siècle. La demeure fut bâtie par Guillaume de Thélin, le secrétaire du Duc de Guise, Claude de Lorraine. La même famille possède le domaine depuis 1676. Durant la Seconde Guerre mondiale, les nazis prirent le lieu et il devint une Kommandantur. 80% du mobilier disparu avec eux. Après un échange autour des sujets locaux, nous entamons la visite. Nous sommes ébahis par des fresques datant de 1578, qui représentent les vertus chrétiennes et les quatre saisons. Le temps a fait son œuvre mais elles restent étonnantes.

fresque chateau de gudmont

Nous constatons que dans ce secteur, terre propice aux zones blanches ou à l’internet mobile précaire, il est impossible d’éluder les thématiques de l’éolien ou de Bure-Saudron, tant les habitants qui nous interpellent semblent tous avoir un avis sur ces questions entraînant débats enflammés et conflits.

10h50. Nous ne sommes pas loin de Doulaincourt. L’occasion de vous parler de Lexane et de lancer un appel à l’aide et aux dons. Son père, Anthony Stivalet, nous a contacté afin que nous l’aidions. Lexane est atteinte d’une maladie rare génétique, le syndrome de woree qui génère de gros retards psychomoteur et intellectuel. 58 cas seulement sont recensés dans le monde. Elle est totalement dépendante de ses parents, qui ont arrêté de travailler pour s’occuper d’elle.
Ceux-ci recherchent une maison de 4 chambres, de plain-pied ou à étage, disposant d’au moins une chambre au rez-de-chaussée avec terrain et garage. La maison recherchée aurait un loyer de 500 à 650 € et serait située entre Chaumont et Dijon. Lexane est en effet suivie par l’hôpital de Dijon et doit donc y aller régulièrement afin de consulter des professionnels. Si vous avez des pistes ou souhaitez les aider, n’hésitez pas à nous contacter, ou à les contacter sur Facebook via leur page, Dans les yeux de Lexane.

11h30. Nous retournons à la Source Bleue, Nathalie nous manquait déjà. 

11h55. Nous sommes accueillis par la ferme des Rieux à Villiers-sur-Marne par Sophie et Raphaël, et il est difficile d’écrire l’article car le village est situé en zone blanche. Cécilia et Christophe nous rejoignent.

fromage ferme des rieux

12h05. Théo apprend qu’une tartiflette nous attend. Il se sent grossir, lui qui commence à avoir du mal à grimper les côtes à force de goûter les merveilles de chaque producteur rencontré. En entrée, un plateau de plusieurs kilos de fromages nous fait de l’oeil : fromage à raclette, tome, marbré, riochon, palet des Rieux, etc. Les fromages sont fabriqués à base de lait de foin, naturellement de grande qualité. La production étant locale, il est plus simple de la contrôler et donc de garantir sa qualité nutritionnelle, notamment concernant les omégas 3 et 6. La matière grasse est également meilleure. La nourriture donnée aux animaux fait que leur fromage est plus facile à digérer. Pour faire descendre le tout, un vin mousseux, méthode traditionnelle, les accompagne. Nous avons droit à un repas gastronomique à la haut-marnaise, c’est à dire un repas copieux, chaleureux, délicieux et duquel il est difficile de sortir, non pas car la digestion commence, mais car l’accueil des Haut-Marnais est sans pareil et pousse à profiter du moment. Après avoir échangé longuement avec les producteurs, nous remarquons encore une fois que quand plusieurs structures ou producteurs s’associent, il n’y a pas de concurrence mais cela crée au contraire du lien social, de la vie, du dynamisme. Le travail de dynamisation du département se fait à plusieurs échelles, et les petits projets ne sont pas reconnus à leur juste valeur alors qu’ils contribuent aussi à animer le local. De plus, il suffit de regarder notre planning, partout naissent de petits projets intéressants à visiter et promouvoir. Une habitante souligne que cela manque de cohésion, de communication et que chacun reste dans son coin, alors qu’il y a tout pour faire de belles choses ensemble.

14h30. Nous quittons la riante ferme des Rieux et nous reprenons la route accompagnés par Antonin et Emilien de la ferme. Ils arrivent à aller aussi vite que nous en VTT. Ils sont dopés au fromage des Rieux au lait de foin, c’est de la triche.

15h10. Nous arrivons à Vignory. Le label de petite cité de caractère porte bien son nom ici, tant il faut du caractère pour accomplir ce qu’entreprend la commune depuis des années. C’est avec ténacité, ambition et solidarité que celle-ci rénove et met en valeur son histoire millénaire. Vignory, c’est la preuve que quand les associations, les élus, le public et le privé s’associent autour d’une vision à court, moyen et long termes, le département est capable de soulever des montagnes. De pierres évidemment.

village de vignory

Étienne, le maire dynamique et passionné du village, nous reçoit à l’église, construite à partir de 1030. C’est donc une des églises les plus anciennes de France. Il est vrai qu’il est rare de voir une église romane dans l’est de la France. Prosper Mérimée passa dans l’église au milieu du XIXème siecle et la classa, ce qui permit de la préserver, ou plutôt de la rénover en la réinterprétant. L’église est donc de style néo-romane. Des statues du XVème siècle fabriquées dans un atelier entre Vignory et Joinville sont visibles dans une alcôve.

chantier jeunes à vignory

15h30. Vignory a compté jusqu’à 1000 habitants à la fin du XIIIème siècle. Le village était entouré de remparts. Il devait donc faire avec les contraintes d’une ville, comme une certaine promiscuité. Étienne nous montre la recyclerie, où différents matériaux tels que les tuiles, bois, pierres sont stockés afin d’être réutilisés plus tard par les habitants, puis la maison du bonnetier, rachetée par la mairie. Le confort du XIXème siècle nous surprend : potager pour réchauffer le potage avec des cendres, garde-manger au-dessus de la porte d’entrée afin de conserver les produits au frais, etc.
Le bâti est isolé en béton de chanvre, champs cultivés que l’on a dépassé en arrivant à Vignory. Cela permet de laisser le côté originel du lieu. 10 cm de cet isolant naturel équivalent à autant de laine de verre et résiste mieux à l’usure du temps car la matière naturelle respire. Il est donc plus cher à l’achat mais largement rentabilisé sur le long terme.

15h50. Nous entrons dans le futur bar restaurant au centre du village. La collectivité a racheté le bâtiment ancien de 3 siècles et effectue les travaux à l’aide de subventions. Un gérant sera recherché pour l’établissement afin de ramener vie et activité.

16h10. Le château féodal de Vignory, du XIème siècle, et notamment la tour cannonière de la fin du XVème siècle, est en cours de rénovation depuis 25 ans, notamment par des chantiers de jeunes européens Remparts. Quel jeune n’a jamais rêvé de construire un château ? Vignory offre cette opportunité. Cela prendra encore une vingtaine d’années pour consolider l’édifice. Le donjon, les courtines sud et la tour aux puits sont classés Monuments Historiques depuis 1989.
Toutefois, ce qui a disparu a disparu. Ils essaient de stopper les dégradations mais cela ne pourra pas être reconstruit, car ils ne savent pas ce qui existait. Des fonds provenant du loto du patrimoine ont permis ces travaux. Au total, 50% des fonds proviennent du secteur privé et 50% du secteur public.

16h40. Nous entrons dans le donjon du XIIème siècle, l’un des plus anciens dans la région, rénové au XVème siècle, et admirons la maquette du château, avant de ressortir et de rester en admiration devant la vue qu’offre l’éperon rocheux sur le joli village de Vignory et ses alentours, sans éolienne.

17h. Nous profitons que les hauteurs nous offrent de la 4G pour écrire notre chronique pour le JHM, que nous devons envoyer chaque soir avant 20h.

17h30. Nous nous réfugions chez une habitante afin de bénéficier de Wi-Fi et d’eau, avant de partir en direction de notre dernière étape du jour, Blumeray, à 28km.

18h05. La chronique du JHM est envoyée, nous pouvons enfin prendre la route, ravis d’avoir découvert cette commune et un maire plein d’initiatives, d’idées et moteur pour son village. Un travail titanesque est en cours ici, mais avec une telle volonté, rien ne semble impossible.

18h30. Théo se rend compte que son GPS n’est pas fiable et semble nous envoyer vers des chemins impraticables.

18h35. Nous empruntons des chemins forestiers dans un état lamentable. Même Mathieu Van der Poel, Wout van Aert et les pros du cyclo-cross auraient peur de nous suivre.

18h45. Le chemin se révèle être à peu de choses près une voie pour sangliers. Nous rebroussons chemin.

18h52. Nous rebroussons encore chemin. Aucune trace d’humanité dans cette direction.

19h09. Deux chevreuils s’échappent devant nous, l’air inquiet en voyant le chemin que nous allons emprunter.

19h13. Nous rebroussons à nouveau chemin, l’eau le rendant impraticable.

19h15. Plus de réseau mobile.

19h17. Plus d’internet mobile.

19h19. Les batteries de nos téléphones se vident dangereusement.

19h20. Bientôt plus de batterie sur nos vélos.

19h35. Nous sommes rapatriés en camion par David et Victor, nos hôtes de Blumeray, du gîte Blumerêve. Ils viennent probablement de nous éviter de finir dévorer par des loups adeptes de cyclistes perdus. Le trajet en camion nous permet de faire connaissance et, déjà, de trouver de nombreux points communs et sujets de discussion.

20h10. Une dizaine de personnes nous attendent au gîte Blumerêve, intriguées par notre tour du monde de la Haute-Marne.

20h20. Nous faisons le tour du gîte. Nous comprenons pourquoi celui-ci dispose de notes aussi élevées parmi les sites de réservation d’hébergements. Victor, l’un des deux fils des propriétaires, m’apprend que nous avons un ami italien commun à Paris ; le monde est petit.

20h30. David, propriétaire des lieux et restaurateur de meubles anciens, appelle Christian, que nous avons rencontré à Chalindrey il y a 2 semaines. Ce dernier nous avait conseillé de venir à Blumeray, car il paraîtrait qu’il y a ici une atmosphère originale, un terreau fertile pour la culture, et que même France Culture est friande de la commune. Christian nous avait dit « allez à Blumeray et demandez Bob. C’est une légende. Vous verrez. Tout le monde le connait. Même Radio France vient là-bas pour le voir ». Nous étions évidemment intrigués. Nous pensions que c’était une légende urbaine, un mythe créé pour faire parler. Nous savions que les voyages sont faits de hasards et que, si un mystère apparaît, il convient de le suivre ; Bob et Blumeray étaient dès lors devenus une quête dans ce Tour du monde de la Haute-Marne. Nous y voilà. David nous confie que Blumeray est effectivement spécial, un haut lieu de culture apprécié de France Culture, d’artistes, d’un sociologue amateur de théâtre et même d’un des sophrologues du Tour de France ayant massé Sylvain Chavanel et Thomas Voeckler, ce qui suffit évidemment à m’intéresser.

20h39. David appelle Bob. Malheureusement celui-ci est déjà couché mais nous invite à lui rendre visite demain matin.

21h55. Un habitant nous confie que « Blumeray c’est un pays qui remue ». Vivement demain !

Demain, des arrêts sont prévus à Blumeray, Sommevoire et Nully.

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