Cela nous a été confirmé aujourd’hui : la Haute-Marne est le berceau de la littérature française, et cela n’est pas du chauvinisme que de l’affirmer ! Nous avons également découvert Lafauche, village d’art et d’histoire, ainsi qu’Orquevaux et ses deux châteaux.

10h. Gaëlle, chaumontaise souhaitant faire un bout de chemin avec nous, nous rejoint à Hâcourt. Nous nous éloignons de Bourmont, les vers du poète Edmond Haraucourt, natif de la commune, en tête “partir, c’est mourir un peu, c’est mourir à ce qu’on aime : on laisse un peu de soi-même en toute heure et dans tout lieu”. Nous prenons la direction de Goncourt.

10h40. Yvette nous reçoit chez elle. Elle se remémore le passage de l’Académie Goncourt dans le village. Des membres de l’académie étaient d’ailleurs venus manger chez elle en 1975. Il y avait Hervé Bazin, une des figures majeures de la littérature française, Président de l’Académie Goncourt de 1973 à 1996 et auteur de « vipère au Poing » et « la mort du petit cheval », mais également François Nourissier, Président de la même académie de 1996 à 2002 et auteur de « une histoire française ». Elle nous montre des archives détaillant la généalogie des frères Goncourt, ou plutôt Huot de Goncourt de leur vrai nom, les Huot étant originaires de Hâcourt, comme moi, et de Bourmont. Un ancêtre Huot avait reçu la seigneurie de Goncourt par le roi. Il devint un Huot de Goncourt. Les frères Edmond et Jules Huot de Goncourt, nés à Nancy et Paris, étaient plus citadins que des Haut-Marnais. On apprend que les frères n’étaient pas spécialement aimés à Goncourt, car ils semblaient ne pas apprécier leurs origines campagnardes du Bassigny. Ils créèrent par testament l’Académie et le Prix Goncourt, remis à un ouvrage en prose et récompensant la jeunesse, l’originalité et l’esprit et de la forme, en réaction à l’Académie Française, trop classique pour leur esprit libre.

photo de l'académie goncourt

Ainsi, sans le Bassigny, la littérature et donc la culture française ne seraient pas ce qu’elles sont, et cela n’est pas du chauvinisme haut-marnais que de l’affirmer. Il y a Haraucourt bien sûr, mais également l’éditeur Albin Michel, les frères Jules et Edmond Huot de Goncourt qui ont créé le prix du même nom et dont la famille était originaire de la commune. Non loin est né l’éditeur Ernest Flammarion à Val-de-Meuse, sans oublier Louise Michel à Vroncourt-la-Côte. Et puis, ailleurs en Haute-Marne, il y eut l’éditeur François Belin, l’éditeur Alexandre Hatier d’Ambonville, les deux Prix Goncourt (doublé historique haut-marnais en 1928 et 1929 !), Marcel Arland de Varennes-sur-Amance et Maurice Constantin-Meyer de Bourbonne-les-Bains, Denis Diderot de Langres évidemment. Ces terres ont inspiré des générations, ont attiré les plus grands esprits lettrés. Voltaire à Cirey-sur-Blaise, José María Heredia à Lafauche, petit village d’art et d’histoire, Charles de Gaulle à Colombey les Deux Églises, André Breton à Saint-Dizier. Tous peuvent en attester, eux qui ont trouvé en notre département de quoi, sans doute, nourrir leurs œuvres.

L’Académie Goncourt n’est plus venue depuis des décennies. Un gâchis, alors que la littérature française met régulièrement en valeur des auteurs de l’est de la France. Ainsi, pourquoi ne pas avoir fait venir ici Nicolas Mathieu, Prix Goncourt 2018 pour « leurs enfants après eux » et originaire des Vosges voisines ? Aucun musée local n’existe pour valoriser la littérature haut-marnaise. Nous avons le privilège d’habiter le centre de la vie intellectuelle du pays. Puisse cette identité trouver sa place sur notre territoire.

11h30. Nous avons une dizaine de kilomètres à faire pour rallier Lafauche avant midi, et avec le vent naissant, nous préférons prendre un peu d’avance.

12h10. Roger Adenot, de l’association Patrimoine et Esprit d’Art, nous attend en compagnie de deux expatriés vosgiens, d’habitants et membres de l’association. Celle-ci gère le musée du patrimoine du village ainsi que le musée aux branches, anciennement zoo de bois de Prez-sous-Lafauche. Ces deux musées, qui ne font en réalité qu’un et sont gratuits, sont visités par 2000 personnes par an, en partie des étrangers de passage, intrigués par le panneau indiquant qu’un château se trouve en haut du village. Une curiosité se trouve aussi à l’église de Lafauche : une maxime est inscrite au-dessus de son entrée, datant de la révolution française, seule de la sorte à priori en Haute-Marne « le peuple français reconnaît l’être suprême et l’immortalité de l’âme ». Roger nous parle également d’un célèbre habitant du village, seul maire de couleur de Paris, Severiano de Heredia. Ce natif de Cuba se maria avec Henriette Hanaire, une habitante du village, possédant le château de Lavaux et devint alors une célébrité locale. Son cousin poète José María Heredia lui rendit visite et il écrivit aussi depuis la commune.

Lafauche, pour toutes ces raisons, a le potentiel pour bénéficier du label Ville et Pays d’art et d’histoire. On nous fait remarquer qu’il est difficile de faire bouger les associations dans l’est haut-marnais, le côté vosgien étant plus dynamique. Les synergies manquent et cela ne permet pas de créer un cercle vertueux. Le maire de Lafauche est le vice-président chargé du tourisme dans la communauté de communes Meuse Rognon, mais nous n’avons pas pu le rencontrer.

13h40. Roger nous montre le musée aux branches. Sa belle équipe nous suit. Ici, Émile Chaudron, natif de Prez-sous-Lafauche, un passionné, a récolté des branches tombées par terre, et les a mises en scène en utilisant son imagination et son humour, sans collage ni artifice. Là une branche est un footballeur, une autre est une autruche, d’autres représentent des fables de La Fontaine.

13h50. Nous entrons maintenant dans le musée du patrimoine, afin de voir une maquette de la forteresse et des reliques de celle-ci. L’endroit présente également des blasons, boulets de canons, photos anciennes, etc.

14h10. Nous visitons l’atelier et la boutique d’Anne Procureur, artiste céramiste et rocailleuse. Nous observons des pièces magnifiques et colorées qu’elle détaille avec ferveur et nous explique la rocaille, art rustique de vieille tradition plus que centenaire, à l’origine des décorations et ornements de jardins.

chateau de lafauche, village d'art et d'histoire

14h40. Nous montons à la forteresse, bâtie au XII ème siècle par un descendant du comte de Reynel et transformé par Jean de Baudricourt en 1490. Auparavant, ce fut un site défensif du néolithique. La forteresse gardait la frontière entre le royaume de France et le Duché de Lorraine. Alors que Bourmont et La Mothe étaient du côté lorrain, Lafauche était française. Son dernier propriétaire fut le duc de Broglie. La forteresse devint une ferme et une carrière. Aucune structure ne s’occupe de la forteresse de Lafauche à ce jour, un nouveau gâchis, tant le site et l’histoire sont importants. Après l’avoir visitée, nous pouvions l’affirmer, Lafauche est bien un village d’art et d’histoire. Nous prenons congé des habitants de Lafauche, et nous les remercions pour leur accueil chaleureux.

15h15. Nous empruntons des petites routes sinueuses et descendons jusqu’au Castel d’Orquevaux de Brigitte, construit en 1850. Guillaume de Saint-Exupéry, cousin d’Antoine, a vécu ici. Antoine y est venu quelques fois. Petite anecdote historique : le neveu du constructeur du château l’agrandit pour sa fiancée, héritière du château d’Ecot-la-Combe. Il tomba de cheval, fut blessé et devint boiteux. Sa promise ne voulut plus de lui. Elle se retira à Ecot-la-Combe, tomba sous le charme du palefrenier et tomba enceinte… ce qui déplut à sa famille. Pas de fin joyeuse pour cette histoire puisqu’elle se suicida.

La commune d’Orquevaux possédait des fonderies, ce qui explique les belles demeures des environs, qui appartenaient aux maîtres de forges. Le secteur était surnommé le val de l’enfer car les fonderies faisaient un boucan…d’enfer. Nous dégustons le goûter de Marina tandis que Brigitte nous conte l’histoire ayant mené à l’achat de ce lieu somptueux et à l’ouverture de chambres d’hôtes.

vue sur orquevaux

16h. Brigitte nous offre une promenade dans le joli parc du Castel, un parc romantique où rocailles, carpes koï, arbustes, pierres percées s’associent pour former un petit coin de paradis que la propriétaire fait visiter passionnément. Selon nous, le cadre serait idéal pour y organiser des sessions photos pour les mariages. Brigitte nous fait ensuite visiter les étages de la demeure, ses chambres d’hôtes et recoins.

17h45. Nous marchons dans Orquevaux et nous sommes frappés par la bâti : le village est harmonieux, les propriétaires semblent s’être passés le mot pour conserver le charme des édifices et laisser les pierres apparentes.

18h10. Nous entrons dans l’église du village. Quel immense chance de pouvoir avoir les clés de ces hauts lieux historiques et religieux, pour en découvrir tous les trésors. Les pierres sont aussi blanches que la ville Minas Tirith dans le Seigneur des Anneaux. Nous pouvons même monter jusqu’à l’orgue et Marina nous explique le fonctionnement de celui-ci. L’association Orcivalys, dont nous rencontrons le président Jérôme, a contribué à animer l’endroit en refaisant l’orgue et en créant une école dédiée à cet instrument, avec 16 élèves de tout âge et des cours de 30 minutes. L’association rénove aussi des statues religieuses. Orquevaux ce n’est pas uniquement le Cul du Cerf. Il a bien mérité le titre de plus beau village du département selon Théo. 

19h15. Trop concentré sur son téléphone portable pour nous amener à la dernière destination de la journée, Théo a failli percuter un renard qui a filé d’un champ situé à notre droite. À deux mètres près, la faune haut-marnaise aurait fait chuter l’étoile montante du vélo électrique.

19h20. Nous apercevons Leurville et des éoliennes. Les Jeunes Agriculteurs 52 nous saluent, il est vrai que la fête de l’agriculture a lieu le dimanche 29 août à Orquevaux. Nous arrivons enfin chez Jean-Pierre, et nous préparons à écrire ces lignes pour vous résumer notre journée.

Demain, des arrêts sont prévus à Leurville, Augeville et Donjeux.

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