Ce n’est plus très original mais la pluie et le vent nous accompagnent toujours, en cette quinzième journée de tour du monde. Nous prenons progressivement la route vers l’est du département, les paysages changent, le relief devient plus important…
8h40. Frédéric de Locebike nous propose de nouveaux vélos pour ces deux autres semaines de voyage. Nous ré-équipons nos nouveaux Moustache Bikes et prenons la route pour la première étape de la journée.
9h30. Nous arrivons à Riaucourt, charmant petit village découpé par les eaux du Canal entre Champagne et Bourgogne. Non loin coule la Marne. Jean-Paul Kauffmann décrit cette partie de la Haute-Marne où passe la Marne comme étant “le grand pays désert, un royaume inviolé, d’une pureté inouïe ». Nous avons pu le constater en parcourant ces terres silencieuses. On eût dit, comme c’est d’ailleurs souvent le cas à proximité des cours d’eau, lacs et étangs haut-marnais, que rien ne pourrait jamais troubler cette quiétude, que la fin du monde elle-même pourrait arriver et ne jamais faire basculer ce bel équilibre silencieux habitant ces endroits loin de la fureur du monde. Nous tournons à gauche et montons à la chèvrerie d’Artémis d’Estelle Foulon. Celle-ci, installée depuis 11 ans, possède 75 chèvres dont une cinquantaine produisent du lait. Tout est transformé sur place dans la ferme, en fromages, yaourts, savons (le lait est produit ici, transformé en savons ailleurs mais bien vendus à la ferme). L’élevage est traditionnel et respecte les cycles des chèvres.
Elle nous apprend que le fromage de chèvre est saisonnier : il n’y a pas de production entre mi décembre à mi février car les chèvres sont dans leurs 2 derniers mois de gestation. Il faut alors laisser les chèvres au repos. Après avoir vu la salle de traite et les salles où le fromage est affiné, nous prenons la route vers l’est.
10h40. Nous franchissons des champs de céréales et des champs d’éoliennes Une voiture s’arrête. Roger Adenot, de l’association Patrimoine et esprit d’art de Lafauche que nous allons rencontrer jeudi, nous salue.
11h. Nous continuons, traversons Andelot, carrefour d’histoire, où un des plus vieux traités d’alliance connus fut signé en 587 : le traité d’Andelot. Il permit de cesser les querelles (c’est un euphémisme) et les assassinats, afin de pacifier le royaume mérovingien. Malheureusement, nous n’avons pas le temps de nous arrêter.
11h50. Nous sommes attendus par Marie-Annick Boulart, conseillère départementale suppléante, et Michel Boulart, maire de Montot-sur-Rognon. Peu de temps après notre arrivée, le président du Conseil Départemental, Nicolas Lacroix, nous fait la surprise de venir à notre rencontre. Nous échangeons pendant 2h au sujet de la Haute-Marne et de ses projets, et découvrons un élu perspicace, pertinent et ambitieux pour son département. Nous sommes convaincus par les belles perspectives d’avenir évoquées, d’autant plus qu’aucun thème n’a été éludé.
15h. La pluie arrive et nous devons partir. Nous commençons par une côte. C’est un raccourci, une bonne mise en bouche à peine sortis de table. Direction Reynel, village inscrit à l’inventaire des monuments historiques.
15h30. Nous passons sous la magnifique porte de Reynel. Peu d’informations subsistent quant à son histoire, ce qui, forcément, est attirant, mystère et patrimoine faisant bon ménage. Gilles Desnouveaux, le maire, nous intercepte devant la mairie. Nous grimpons les escaliers et arrivons en haut de la porte. Là, rien ou presque, mais le bâtiment impressionne par son ancienneté et sa conservation.
15h50. Nous entrons dans l’église du village, du milieu du XVIII ème siècle. Le maire nous remémore un souvenir d’un concert de Zsa zsa Brinzwiska, venue chanter ici. Impossible de vérifier l’orthographe, il n’y a pas la 4G à Reynel.
16h. Nous rendons visite à la fromagerie des Saveurs de Reynel de Mickaël. Nous connaissons bien leurs produits, c’est même la base de l’alimentation de mon père. Les ventes se font directement ici, à la fromagerie de 16h30 à 19h30, et le samedi matin, ou dans les marchés locaux. Les yaourts sont fabriqués à la main et un par un par Mickaël. Le lait provient de la ferme de Manolie, juste à côté, dont l’ancien propriétaire, Aurélien, a monté un club de plongée et est devenu moniteur de plongée dans les Îles Canaries. Une histoire pas banale en Haute-Marne. Un autre habitant du village a construit son bateau et a fait le tour du monde. L’air de Reynel serait-il marin ? Leurs fameux yaourts sont vendus dans des pots en plastique car il est difficile de fabriquer des yaourts dans des pots en verre en Haute-Marne, les laveries étant introuvables dans le département. Avis aux porteurs de projets !
16h20. Nous marchons jusqu’au Château de Reynel, ayant appartenu au comte de Beurges. L’édifice est privé, non habité et peu d’événements y sont organisés. Un mariage vient d’y avoir lieu, on comprend le choix : le cadre en vaut la peine.
Depuis la terrasse, l’horizon s’étend à l’infini, on pourrait croire au loin apercevoir le Mont Blanc. Le château nous fait penser à l’Élysée, injustement méconnu mais incroyable. Il est visitable de 14h30 à 18h par un conteur et amateur d’art hors pair, Joël Colmar. Joël nous demande nos noms et s’arrête soudainement. Il m’apprend qu’il est en fait de ma famille, ce que je ne savais pas, cela remonte quand même au XVI ème siècle. Les histoires de famille ont l’air compliqué, encore plus quand cela concerne de la famille que l’on vient de découvrir. Je lui demande si le château m’appartient, au moins un peu, on ne sait jamais. Théo me jalouse déjà. Hélas, la réponse fut négative, et je ne serai malheureusement pas châtelain aujourd’hui. Je resterai donc cycliste. Le château compte des pièces d’exception. Glace de Murano, table de Florence, sculpture italienne réputée, statues, bustes, peintures, chaises flamandes, meuble recouvert d’écailles de tortues, vases, etc. Les peintures du peintre belge Jef Leempoels sont visibles partout dans le château, sa famille ayant acheté le lieu.
18h. Thierry et Catherine nous ouvrent les portes du château de Morteau, notre dernière étape du jour. Haldan, Julien, Tristan et Solveig, les plus jeunes, sont également là et nous préparent un repas pantagruélique tout en œuvrant à leurs projets artistiques. L’endroit respire l’art et invite à l’évasion à chaque pièce. Ici, tout est fait avec goût et dans le respect d’un bâti historique à l’histoire riche. Curiosité que nous apprenons, Morteau fut la plus petite commune de France au début du siècle.
19h15. Après avoir écrit l’article pour le JHM, le couple nous fait visiter le site de Morteau. Protégé anciennement par des marécages (d’où le nom venant de « morte eau »), le lieu accueille ensuite un maître de forge, puis son histoire devient romanesque. Un fanatique religieux, Nicolas De Hault, lié à la ligue de Joinville, part pour Jérusalem alors occupée et devient chevalier du Saint Sépulcre. Il épouse Marguerite Rose, d’une riche famille de Chaumont, puis achètent la Seigneurie de Morteau au XVI ème siècle. La famille devient une des figures de la lutte contre les protestants, raison pour laquelle la chapelle se trouve aussi haute et cachée dans la demeure ; il s’agissait de ne pas dévoiler, lors d’une potentielle attaque protestante, que la famille n’était pas très amie avec cette croyance. Guillaume Rose, prédicateur d’Henri III, fut même le meneur de la grande procession anti protestante de la ligue à Paris. Un Maréchal de Louis XV devient maître des lieux au XVIII ème siècle, et remet au goût du jour le château, plutôt adapté au contexte des guerres de religion. La petite chapelle datant du début du XVII ème siècle possède encore ses fresques sur son plafond et ses murs.
Demain, des arrêts sont prévus à Cirey-lès-Mareilles, Ecot la Combe et Hâcourt.
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