Le soleil est de retour pour nous accompagner jusqu’à Colombey-les-Deux-Eglises, une étape importante dans notre tour du monde de la Haute-Marne.

9h. Nous quittons les chambres d’hôtes de Nadine et Jean-Louis après un passage de Frédéric venu vérifier nos vélos après 500 kilomètres de route, déjà. Nous croisons la Via Francigena, un chemin de pèlerinage allant de Canterbury à Rome en passant par la France et la Suisse. C’est un chemin de randonnée de plus en plus fréquenté, non seulement car le chemin de Compostelle est, lui, trop fréquenté et pousse les marcheurs ou cyclistes à chercher un autre itinéraire, mais aussi car il permet de traverser 4 pays en restant sur un même chemin. En France, le sentier, sous le code GR145, est balisé en blanc et en rouge.

moulin de la fleuristerie à orges

9h30. Nous arrivons pile à l’heure à Orges, au superbe Moulin de la Fleuristerie, paradis des fleurs et endroit paraissant immuable mais au succès moderne. Ici, au départ il y avait l’eau, l’homme y a trouvé l’énergie et la créativité. Ils fabriquent des pistils, pétales, feuilles, fleurs… en tissu pour les créateurs de mode, comme en 1900. Le lieu s’est toujours adapté selon les époques. D’ancien moulin à farine il est devenu une forge vers 1800 puis, en 1903, le moulin est racheté par une entreprise parisienne fabriquant des pièces détachées de fleurs. Annette et Emmanuel ont repris le moulin en 1994 en réorganisant la production et en se diversifiant. Ils ont ensuite ouvert au public, puis aux mariages et enfin aux chambres d’hôtes, entraînant avec eux tout un écosystème dans le village, permettant de loger les invités des mariages, notamment, et les touristes de plus en plus nombreux. En effet, un tissu économico-touristique se met en place autour du massif du Grand Murin (une chauve-souris) qui attire de plus en plus le tourisme vert.

Depuis 2004, Emmanuel et Annette sont les seules personnes travaillant ici, ne pouvant embaucher puisque leur outil de travail est trop ancien pour être adapté aux normes actuelles. Un non sens pour ces artisans du raffinement, les seuls en France pour les cœurs de fleurs. Le moulin de la Fleuristerie est unique au monde, et a déjà attiré 150 000 visiteurs depuis l’ouverture. Emmanuel insiste sur la notion d’échanges, primordiale pour lui : échange de savoir-faire traditionnel unique (avec la mode, haute couture, spectacle, etc. car c’est un marché de niche), de convivialité (mariage, tourisme, etc.) et sur la notion de glocal : en réunissant les savoir-faire locaux, il est possible d’être compétitif au niveau global. C’est un excellent ambassadeur de notre département.

chateau de vaudremont

10h50. Après avoir traversé un paysage alpin entre Orges et Braux-le-Châtel, nous arrivons au superbe château de Vaudrémont, datant du XVI ème siècle, construit par-dessus un château médiéval. Encore un château ! Y-a-t-il davantage de châteaux ou d’habitants dans ce département ? Peu importe où nous allons, nous tombons sur des bâtiments anciens à faire pâlir d’envie n’importe quels habitants d’Amérique du nord, pour lesquels un bâtiment du XVIII ème siècle est assimilé à une relique quasi préhistorique, au regard de la création récente de ces pays. Le château de Vaudrémont, racheté il y a peu par Alain Carré, metteur en scène belge, est un formidable exemple de réinvention d’un lieu hors du commun, au calme irréel. Il a par ailleurs été le théâtre de films avec Jean Gabin et Marlène Dietrich dans les années 1940. Nous le rencontrons alors qu’il s’apprête à partir à Béziers pour un spectacle. Arrivé en Haute-Marne il y a moins d’un an, il souhaitait faire de l’événementiel dans ce cadre enchanteur. À cause du Covid, les plans ont dû changer. Le château propose dès lors un marché du terroir, un marché du livre, bouquinerie, arts, dégustation de vin, lectures, concerts, chambres d’hôtes. Le public attiré est plutôt familial et Alain tient à laisser les portes ouvertes afin que chacun puisse venir profiter du lieu. Une initiative rare et à saluer. En échangeant avec lui, nous avons rencontré une personne passionnée, et rarement j’ai eu l’impression de voir une personne semblant aussi bien lié et assorti à son lieu de vie. On perçoit bien toute l’admiration qu’il porte à son château et à son environnement.

11h30. Peu avant notre départ du château, nous rencontrons dans la cour extérieure Isabelle et son fils Édouard, Parisiens curieux et de plus en plus passionnés par la Haute-Marne, son patrimoine, la nature et le Général de Gaulle. Ils sont décidément faits pour habiter ici.

Pour rejoindre Colombey les Deux Églises, nous empruntons un chemin de cailloux blancs passant à travers des champs de tournesols. Certains nous regardent, l’air las, d’autres nous sourient. Là, nous observons plus de papillons que d’habitants, volant gaiement dans les bosquets bruissant parfois. Le chemin secoue, nous slalomons entre les traces de sangliers, et nous doutons que le Général ait jamais emprunté ce chemin en VTT.

12h50. Au loin, la Croix de Lorraine veille sur la plaine et nous nous rapprochons lentement d’elle ; l’effet est toujours garanti.

13h. Nous traversons Colombey, à la recherche d’un restaurant et nous entrons à l’inter’Val, restaurant bistronomique tenu par Valérie et Fabrice. Ce fut un excellent choix. L’établissement était auparavant une épicerie traiteur, devenu un restaurant depuis 2018 où Fabrice a tout construit de ses mains. Une terrasse est désormais proposée, et offre la même vue que celle qu’avait le Général depuis son bureau dans la Boisserie. Il nous offre un verre de vin pour nous encourager dans notre périple.

14h30. Nous nous posons dans un petit parc face au cimetière pour commencer à écrire nos articles. Nous avons pour ambition de finir d’écrire avant minuit, cela est rare.

15h. Nous lisons la Voix de la Haute-Marne et là encore il est marqué que je suis bourmontais. Personne ne connait Hâcourt, pas encore tout du moins, ce charmant petit village compte quand même 40 habitants et environ 200 vaches ! Des personnes nous reconnaissent et nous crient « Vive la Haute-Marne libre ! ».

15h15. Nous rejoignons la formidable Emmanuelle à l’Office de Tourisme de Colombey. Elle nous a proposé énormément de lieux à visiter sous un angle différent. En effet, puisque nous connaissions déjà bien la commune, nous cherchions à la voir autrement. Nous la remercions vivement, elle sait adapter ses recommandations à ses interlocuteurs et cela fait toute la différence.

15h40. Emmanuelle nous emmène chez la famille Péligri, producteurs et récoltants de champagne. Laure nous fait la visite des caves et nous renseigne sur sa famille qui possède 13 hectares de vignes et produit 73 000 bouteilles par an. Nous apprenons qu’avant, Troyes était le centre du champagne. L’ouest haut-marnais n’était donc pas loin. La Marne n’a donc récupéré le bénéfice de profiter d’une telle appellation que plus tard. Colombey et la partie haut-marnaise du champagne ne bénéficient de l’appellation champagne que depuis les années 1980. Nous passons devant la partie musée et sommes surpris par un foudre, un immense tonneau de 18 000 litres auparavant déplacé par voie de chemin de fer. Laure nous fait goûter les différents champagnes de sa famille. Vous commencez à connaître notre goût pour la gastronomie et boissons haut-marnaises, nous devions alors bien entendu tester le champagne de notre département, professionnalisme oblige. Nous sommes surpris par la qualité des champagnes, qui plus est d’un excellent rapport qualité-prix.

17h. Nous arrivons à la chambre d’hôtes La Fromagerie de Steffen, ébéniste amateur de bons mots. Il nous confie avoir assisté à l’enterrement de De Gaulle mais, n’étant pas né, puisque sa mère était enceinte de lui en novembre 1970, il y a assisté indirectement. Un panneau nous indique que l’apéro n’est pas loin, ça promet. Il nous propose d’ailleurs immédiatement un verre de champagne car « on est en Champagne, il faut bien écouler le stock ». Nous avons droit à une leçon d’histoire mésopotamienne autour des formats des bouteilles de champagne tout en écoutant un vinyle de musette et des blagues de Claude Vanony. Il nous apprend avec une immense fierté que son fils, meneur de jeu de l’équipe de Colombey, a inscrit un but à Fabien Barthez lors du match organisé entre la commune de Colombey et le Variétés Club de France de Platini pour l’inauguration le 6 juin 2021 du premier stade de football nommé Charles de Gaulle en France.

18h37. René Piot nous rejoint. Cet homme est le dernier ayant vu le Général de Gaulle vivant, 2h avant sa mort, et a même conservé son paquet de cigarettes qu’il lui avait pris par inadvertance et qu’il devait lui rendre…

Demain, des arrêts sont prévus à Colombey-les-Deux-Eglises et Chaumont.

(Suivez-nous sur les réseaux sociaux Facebook, Instagram et Twitter pour plus de photos !)