Armés de cape et pantalon imperméables, c’est dans la fraicheur d’août que nous avons arpenté ce jour la Haute-Marne, de Leffonds à Arc-en-Barrois.
9h. Nous quittons à regret Dominique et Dany, propriétaires chaleureux et passionnants du gîte et chambres d’hôtes de la Cressonnière de Haute-Marne à Leffonds. Kidou 3, le chien, pleure en nous voyant partir alors que la pluie commence à tomber. Température ressentie avec le vent qui cingle le visage : une petite dizaine de degrés. Nous revient en tête un dicton prononcé par un habitant « en Haute-Marne il ne fait froid que deux mois dans l’année. Juillet et août… quand le chauffage est éteint ». Trois chevreuils osent mettre le nez en dehors du bois, nous regardent passer, voient nos figures ruisselantes et décident de courir s’abriter. Ça n’est pas un temps à mettre un chevreuil dehors, ni un cycliste d’ailleurs, mais nous sommes motivés à l’idée de visiter la brasserie artisanale de Vauclair à Giey-sur-Aujon, porteur de projet majeur du sud haut-marnais.
10h30. Nous arrivons trempés dans l’antre de la Choue et avons alors l’impression de toucher au Saint Graal. Anthony Nury, le propriétaire, nous accueille au chaud. On nous avait dit qu’il n’existait que deux éléments structurant la Haute-Marne et permettant de fédérer ses habitants : le JHM et la Marne s’écoulant du sud au nord et faisant office de colonne vertébrale. Après avoir parcouru un tiers du département, nous pouvons affirmer qu’un troisième élément est commun à tous les Haut-Marnais : la Choue. Il n’existe pas un foyer ou une association ne nous proposant pas une de leurs bières sur notre chemin. L’établissement, fondé en 2000 comme un projet familial dans sa ferme par Martin, ingénieur agronome, a bien évolué. Ce fut un pari fou, fou car les brasseries prenaient auparavant place dans les grandes villes et lieux touristiques. Nous pensions que Giey était isolé pour permettre l’installation d’une brasserie. C’est en fait l’emplacement parfait, situé entre Troyes, Dijon, Chaumont, Langres et Nancy.
Ici, 12 000 litres de bière sont produits chaque semaine. 9 bières différentes sont élaborées, dont 6 bières courantes. 3 sont changeantes au fur et à mesure de l’année : la bière de saison, la bière de noël et la bière spéciale. L’image de marque est garantie car la qualité est sans cesse vérifiée. La bière est produite de manière artisanale mais pour le grand public, et a su conquérir son public. De la Choue nous est proposée à chaque arrêt depuis le début de notre aventure : 85% du chiffre d’affaires est fait en Haute-Marne. Les Haut-Marnais sont les meilleurs commerciaux pour la brasserie car ils ont adopté la Choue. Anthony Nury, en visionnaire, a réussi à créer un produit adopté par tout un département et en faire une partie de notre patrimoine gastronomique. Un tour de force mérité, c’est aussi comme cela que l’on redonne de l’âme à un territoire. L’élaboration de whisky est aussi en projet, comme nous le montre la femme d’Anthony, incollable sur le sujet et arrivant parfaitement à le vulgariser avec patience et passion.
Nous repartons en enfilant nos vêtements de pluie. Nous ressemblons désormais à des sacs.
13h30. Pour nous remettre de nos émotions, nous faisons halte pour un repas au Saint Loubard à Saint-Loup-sur-Aujon, que Nada a repris fin mai. Un habitant ayant fait le chemin de Compostelle nous reconnaît et nous raconte quelques anecdotes passionnantes de son pèlerinage. Après tout, nous sommes nous aussi à notre façon en train de faire un pèlerinage. Il nous salue par « ultreïa » et nous répondons « et suseïa », formules utilisées par les pèlerins de Compostelle pour se souhaiter bonne continuation.
14h30. Courcelles-sur-Aujon, Théo se rappelle avec émotion de ses colonies à la maison d’animation et de formation de Courcelles et de son apprentissage de la chasse aux mammouths organisé par celle-ci. C’est selon moi une compétence sans doute fondamentale pour le sud-ouest haut-marnais, où il y a plus de sangliers que d’habitants.
15h. Nous filons à travers bois et champs. Nous évitons les ornières piégeuses, les branches dangereuses et les limaces fugueuses. Nous croisons deux agents de l’Office nationale des forêts et leurs deux chiens. L’un d’eux, Raymond, court sur pattes, est pourtant aussi agile qu’un 4×4 pour foncer dans la forêt (nous parlons bien d’un des chiens et non d’un agent de l’ONF).
15h30. Arrivée indemne à Bugnières, vélos boueux mais intacts. Guidés par Guy, le maire, nous découvrons un village situé sur un plateau, sec donc, mignonne commune où les bâtiments sont construits en pierres de taille d’une qualité étonnante. Ici, « c’est la pierre qui a fixé les gens », l’essentiel de la population travaillait dans les carrières, celles-ci étant réputées. Jean, sans peur, un habitant féru d’histoire, nous rejoint avec sa fille et nous traversons les 230 mètres de souterrains de la salle souterraine de Beauvoisin et la salle à 3 nefs, sous la commune de Marac. Son origine est mystérieuse, sans doute liée à l’abbaye de Mormant, de Leffonds, tenue par les Hospitaliers, puis les Templiers de 1300 à 1307 puis de nouveau les Hospitaliers. Ces souterrains pourraient également dater, selon certains hypothèses, de 1800, et ont pu servir de stockage car se trouvaient en-dessous du terrain d’un château. Une autre déduction, plus originale, serait que les souterrains pouvaient servir à accueillir des réunions de francs-maçons (des symboles maçonniques sont visibles sur les pierres). Bugnières aurait-elle été un haut lieu occulte ?
16h30. C’est parti pour un peu d’urbex haut-marnaise. Expédition parmi les ronces dans les ruines du château de Beauvoisin, ayant été construit par le marquis de Capizucchi, passionné de chasse, vers 1750. La demeure est isolée dans la forêt de Marac, construit au lieu-dit Malvoisin, le nom valant à lui seul le déplacement.
17h. Jean nous montre avec ferveur une exposition d’outils de tailleur de pierre de ses ancêtres : scie, pioche, marteaux, boucharde, etc, dans sa maison restée intacte depuis plus d’un siècle.
17h15. Visite de la plus vieille maison de Bugnières (plus de 500 ans) avec Frédéric, que nous avons plaisir à retrouver en ce 10ème jour d’aventure. C’est en effet grâce à lui que nous pouvons sillonner le département à l’aide de Moustache Bikes.
18h. Nous sommes invités juste en face à la fabrique de vins et nectars de groseilles et de cassis du Domaine des Rubis, de Jean-Michel. L’établissement s’est diversifié afin de fabriquer également du vinaigre de groseilles. Bien évidemment, nous sommes invités à goûter. L’assemblée et moi-même réclamons du vin. Théo, lui, demande à goûter du vinaigre. Sans commentaire.
19h. Nous arrivons à l’Hôtel du Parc, à Arc-en-Barrois, enseigne du groupe « les Relais du Sud de la Champagne ». Nous sentons que la commune est marquée par la chasse, les porte-clés de chacune des chambres étant constituées d’un bois de cerf. L’hôtel était d’ailleurs un relai de chasse ! La commune possède une des forêts les plus étendues de France, anciennement propriété de la Duchesse d’Orléans, et un gros gibier abondant dont raffole les chasseurs.
Demain, des arrêts sont prévus à Arc-en-Barrois, Dancevoir, Ormoy-sur-Aube et Chateauvillain.
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