Tour du lac du Der aujourd’hui ! Ce tour du monde de la Haute-Marne prend ici tout son sens, tant les paysages observés ces derniers jours sont différents du sud du département, eux même différents de ceux de l’est. Il y a tout un monde en Haute-Marne.
9h30. Nous quittons la chambre d’hôtes La Plaisance à Giffaumont-Champaubert et passons par le jardin botanique. Là, nous admirons les sculptures de Richard Brouard, représentations d’animaux rappelant le formidable écosystème local. Faune + sculptures en fer rappelant la métallurgie, Richard a trouvé la combinaison gagnante pour symboliser le secteur du Der.
10h10. Nous sommes en train de faire le tour du lac. Le tour entier fait 38 kilomètres. Il ne reste plus que 5 jours dans ce tour du monde de la Haute-Marne, un circuit de 38 kilomètres ne nous fait plus peur. La brume matinale ajoute un côté mystique aux environs. Devant nous s’étend le réservoir gigantesque et ses environs, « l’une des contrées les plus mystérieuses et les plus impénétrables de France” selon Jean-Paul Kauffmann, qui étonne ses visiteurs par sa taille, ses couleurs, sa végétation et surtout sa faune. Ici, nous ne sommes plus en France mais en Scandinavie, nous pensons aux voyages de Nils Holgersson à travers la Suède, survolant forêts et lacs en compagnie d’une bande d’oies sauvages. Nous dépassons 2 cygnes, la tête sous l’eau ; nous n’osons pas les déranger, un éclair de romantisme nous prend et nous les imaginons se cachant pour s’embrasser à l’abri des regards.
10h30. Nous nous arrêtons devant le canal de restitution allant du lac jusqu’à la Marne. 350 millions de m3 d’eau du lac, sa capacité totale, peuvent être amenés à passer par cet ouvrage, le chiffre dit tout du gigantisme de cet outil d’aménagement du territoire. Il est vrai que, perdus en admiration devant ces paysages, nous avions déjà oublié les 2 fonction premières du lac, à savoir : 1. la régulation des eaux pluviales en aval en accumulant l’eau des crues, puis en la restituant l’été. Cela renforce le débit de la Marne, principal affluent de la Seine, en étiage, permettant la continuité des usages pour la navigation, l’industrie, l’eau potable et l’irrigation. 2. la protection de l’aval des inondations, et ainsi éviter les inondations dantesques comme celles causées par les crues centennales de 1910 à Paris. Le Der c’est donc le protecteur de Paris, et on parle de « lac-réservoir Marne » pour le définir fonctionnellement, c’est un poil moins chantant et humain que « lac du Der-Chantecoq ». Plus loin, c’est le canal d’amenée qui, comme son nom l’indique, sert à amener les eaux de la Marne jusqu’au lac.
10h50. Nous repérons le château d’eau de Sainte-Marie-du-Lac-Nuisement et, en voyant son toit lui donnant l’aspect d’une tour médiévale, nous comprenons d’où vient le terme « château d’eau ».
11h10. Nous faisons un arrêt au village musée du Der. Nous laissons nos vélos dans leur jolie cour et admirons des bâtiments. Ceux-ci sont en fait des édifices démontés provenant de communes des alentours et remontés ici. L’église Saint Jean-Baptiste de Nuisement-aux-Bois est également reconstruite ici telle que la voyaient les habitants avant l’engloutissement, et cette vision est particulièrement saisissante. Telles trois Atlantide, les trois communes sont encore là, sous les eaux, à nous rappeler que ces grands projets à la réussite indéniable entraînent forcément des victimes collatérales. Les bâtiments sont bien aménagés afin de proposer une visite historique du patrimoine ancien et naturel du bocage de la Champagne. Le musée présente les activités villageoises, de superbes reconstitutions et une maquette extraordinaire de bâtiments locaux, au style marnais évidemment. Nous apprenons l’histoire du Der. Anecdote historique : « Der » veut dire « chêne » en celtique. Un film laisse la parole aux habitants des 3 villages disparus avant l’inauguration en 1974 du lac, et notamment du maire de Chantecoq : « nous perdons notre terre, notre maison et notre horizon ». Un homme marche sur les fondations de sa maison lorsque le lac est à son plus bas. Il explique où se trouvait sa cuisine, son carrelage, impression irréelle de contempler une Pompéi moderne. Plus loin, nous lisons des coupures de presse d’époque. Je note ces phrases issues de La Haute-Marne Libérée des 4 et 5 novembre 1967 : « Jamais, au grand jamais, on n’avait vu autant de voitures dans le petit village marnais de Nuisement. Oui, mais hélas ! cet afflux prépare un reflux devant la poussée des eaux appelées à noyer toutes les maisons sous deux, voire trois mètres de liquide envahisseur ».
C’est saisissant. Alors que nous admirons aujourd’hui le Der, son immense succès touristique et environnemental, son aménagement soigné, ses sentiers ravissant les cyclistes, son paysage enchanteur et sa faune enchantée d’être ici, nous constatons que tout ce territoire résulte d’une destruction.
11h50. Nous passons dans le jardin des insectes et tentons de ne pas interrompre le ballet des papillons, guêpes, bourdons, hannetons, etc. Nous empruntons ensuite de jolis chemins et arpentons le potager. Des poules me dévisagent et des grenouilles sautent dans une mare tandis que je m’approche.
12h. Je m’arrête dans l’ancienne salle de classe. Un maître d’école raconte l’histoire d’un loup et j’admire une ancienne carte du relief du sol de Vidal de la Blache. Arrêt classique quand on a un Master de géographie.
12h10. Nous apprenons que des randonnées sont organisées fin octobre et début novembre en compagnie d’animateurs afin d’observer les grues migrant. Une super initiative ; de plus, un goûter est prévu à la fin de la marche.
12h20. Fin de la visite du musée, nous nous installons au restaurant La Bergerie, non loin.
13h55. Un couple venant de l’Aisne, Bernard et Michèle, nous interpelle avant notre départ, intrigués par nos vélos. Ils ne sont là que pour 3 jours afin de profiter du Der. Ils ne connaissent pas bien le département, mais ça, c’était avant. Après leur avoir parlé de nos découvertes, ils décident de revenir en Haute-Marne pour visiter d’autres secteurs. Ils nous invitent en échange à venir chez eux, il paraît qu’il y a du champagne dans l’Aisne. Sans doute pas aussi bon que le champagne haut-marnais, mais bon…
14h30. Nous rejoignons Lina, journaliste à Puissance Télévision au bord du canal d’amenée. Elle nous filme en train de pédaler, puis Théo la ramène sur son porte bagages jusqu’à sa voiture.
15h. Nous filons vers Humbécourt et passons par des communes assez tristes, sans harmonie, sans commerce. Une habitante nous avertit que cela sera le même constat jusqu’à Wassy, « vous allez être catastrophés ».
15h30. Nous nous arrêtons au Panier de la Fermière. La fermière, c’est Élisabeth. L’activité va bientôt évoluer car, comme ils nous le disent, « on est en fin de course mais on court toujours ». Leur fille reprendra la ferme et s’occupera d’une pension pour chevaux. Pour l’instant, il s’agit de chambres d’hôtes et d’une épicerie. Nous arrivons et trouvons Élisabeth en train de préparer de la confiture de mirabelles. Elle fait 3 000 pots de 27 types de confiture par an. Ils étaient auparavant essentiellement producteurs et vendeurs d’endives, puis les clients ont demandé à acheter autre chose. Élisabeth était infirmière, a fait des confitures une fois, tout s’est vendu en une semaine, cela lui a donné des idées et elle s’est spécialisée. Et ça marche toujours autant, sans communication ni même site internet. Preuve que la qualité peut se suffire à elle-même.
16h. Nous reprenons la route et traversons de nouveau des communes en quête d’identité au bâti hétéroclite, direction Valleret. Nous traversons Wassy et les cités ouvrières à la sortie de la commune nous rappellent le Nord-Pas-de-Calais, cela change du sud du département, héritage de l’histoire sidérurgique locale encore bien vivace tant les usines ont su innover pour rester compétitives.
16h45. Nous arrivons aux chambres d’hôtes de Vincent Rondelet, dans une jolie bâtisse à Valleret.
18h. Nous sommes invités par le maire à la mairie de Wassy afin de célébrer le 77ème anniversaire de la libération de la commune, autour de vins mousseux et petits fours après une cérémonie officielle. Nous rencontrons des membres du conseil municipal, employés et habitants et échangeons avec eux, notamment au sujet de la commune. Ceux-ci sont incollables sur Wassy, et insistent sur l’histoire et le patrimoine de la commune, que nous aurons l’occasion de découvrir demain. Un débat s’enclenche même sur l’origine des caisses de Wassy, légères meringues aux amandes que d’autres haut-marnais croient être originaires de Joinville ou même Langres.
19h30. Après les petits fours, place à la pizza à La bonne franquette à Brousseval. L’établissement accueille essentiellement des ouvriers. Un de ces lieux indispensables pour créer de la vie dans un quartier et maintenir un lien entre les habitants. Théo souhaitait manger léger après avoir dit oui à la moitié des petits fours de la ville. Il décide donc de prendre… une grosse pizza.
Demain, des arrêts sont prévus à Wassy, Dommartin-le-Franc, Ville-en-Blaisois et Joinville.
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