C’est une journée surprenante que nous venons de vivre, de Leurville à La Source Bleue… Un tour du monde, c’est avant tout des rencontres, qui nous surprennent, nous galvanisent, nous questionnent, nous rendent simplement heureux, et fiers d’être haut-marnais. Alors pour tout cela, merci à Jean-Pierre, Béatrice, Stéphanie, la famille Viney, Nathalie, François et tous les autres, croisés quelques minutes ou quelques heures sur notre chemin.
10h30. Jean-Pierre Ravenel, maire de Leurville, nous montre la borne de la 2ème Division Blindée, première grande unité constituée de la France Libre à débarquer en France le 1er août 1944 avec le général Leclerc à sa tête. Jean-Pierre, fan du PSG ayant refusé de nous laisser nous coucher hier soir avant d’avoir goûté chacun des plats préparés par Béatrice, nous explique la raison d’être de cette borne. L’association de la 2ème DB a prévenu la commune de Leurville que celle-ci se trouvait sur la voie empruntée par la division en 1944, trajet initié à Saint Martin de Varreville dans la Manche, où les troupes débarquèrent sur Utah Beach, jusqu’à Strasbourg. La division passa dans la commune, située à l’avant de la ligne défensive allemande, le 11 septembre 1944 en provenance d’Andelot, et fila à Vittel. La commune a donc décidé d’installer une borne commémorant le serment de Libye, du nom de la ville de Centrafrique où le général Leclerc prononça ces mots en jurant de « ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront sur la cathédrale de Strasbourg ». Ils ne s’arrêterent pas à Strasbourg mais allèrent jusqu’au Nid d’Aigle d’Hitler en Bavière. Leurville est pour l’instant la plus petite commune de France a avoir installé une borne.
Nous quittons Leurville et ses éoliennes… . Non, pardon : nous quittons Leurville tout court, pas besoin de parler des éoliennes et d’entamer un débat. En Haute-Marne, on ne parle ni d’éoliennes, ni de Bure-Saudron, ni des antinucléaires acceptant volontiers l’argent du GIP, c’est tabou, alors on ne parlera ni de l’un ni de l’autre. C’est un peu comme débattre du meilleur fromage entre le Langres et le Caprice des Dieux. Débat sans fin. Nous dirons juste que nous aimons l’électricité.
11h25. Nous empruntons la « belle route de l’Andra » jusqu’à Épizon, une vraie autoroute rurale traversant un paysage non moins éolien. Stephanie nous attend à Bettoncourt le Haut. Elle a crée L’Agricultur’elle en décembre 2019, exploitation agricole avec des poney shetland et des chèvres angora, mais où elle anime aussi des apéros tricot, ateliers pour débutants, balades sensorielles, des animations culturelles …et défend des thématiques féministes. C’est donc une structure ambitieuse.
Le secteur est confronté à la présence du loup. Elle sort donc ses 28 chèvres le matin et les rentre le soir. Après une attaque, elle a mis plus d’une journée à retrouver ses chèvres, qui s’étaient enfuies dans les bois. Elle nous montre le Mohair de ses chèvres, leur laine, qu’elle tond 2 fois par an et nettoie ensuite à la main. Cela pourrait être la plus ancienne fibre animale encore utilisée. Le Mohair est ensuite regroupé dans une coopérative à Castres avec une centaine de producteurs, puis envoyé dans une filature en Italie car la filature française avec laquelle elle travaillait a délocalisé en Afrique. Après transformation en France, elle reçoit ensuite la laine en pelotes, sous forme de vêtements comme des chaussettes, mitaines, bonnets, écharpes, etc.
14h10. Nous sommes accueillis à Augeville par l’ensemble de la population du village. Nous tombons sur un tas de haricots et commençons à les écosser tout en discutant avec tout le monde, visiblement heureux de voir un peu de monde passer par ici. Spécialité du village, de la goutte de 1972 nous est proposée. Après avoir fini notre travail, de quoi nourrir tout le village, nous prenons congés de celui-ci, et prenons le temps de saluer chaque villageois. …Ah, au fait, Augeville ne compte qu’un seul habitant et est le plus petit village habité du monde. Augeville c’est donc Jacques, et c’est tout, seul habitant du village depuis le début de l’année. Ici « on arrive à entendre le silence« . Il paraîtrait qu’un voisin pourrait s’installer dans la commune, le village pourrait donc bientôt voir sa population augmenter de 100%. Alors, qui a dit que la Haute-Marne perdait sa population ?
15h20. Les propriétaires du château de Donjeux nous reçoivent alors qu’ils prennent un café en famille, attablés devant leur superbe demeure. Ce château, bâti au XVII ème siècle par les Gestas, marquis de Lespéroux, était déjà doté de l’eau courante à l’époque, ce qui était rare. Il appartient à la famille depuis 1810. À cette date, un de leur ancêtre, maître de forge et maire de Wassy, l’acheta. Auparavant, le promontoire était occupé par un château fort, propriété du sire de Joinville. Il aurait été construit par la fée Mélusine, ancêtre de la Maison des Lusignan, et notamment du célèbre Guy de Lusignan, roi de Jérusalem.
15h50. Plusieurs membres de la famille nous font visiter leur demeure avec une érudition incroyable, du jardin à la française à la cuisine d’époque ou presque, des dépendances agricoles aux salons. La Révolution Française a effacé certains symboles présents sur les murs tels que les couronnes, de même que l’occupation par les nazis du lieu a effacé certains blasons. La demeure fut tout de même épargnée durant la Révolution… car la population craignait la fée Mélusine. Nous constatons que, le lieu n’ayant appartenu qu’à 2 familles, peu de modifications ont été faites, il reste ainsi dans « son jus », sans altération.
17h50. La Source Bleue, chambres d’hôtes et restaurant Logis de France idéalement placée entre Chaumont et Saint-Dizier s’offre à nous. Aux dires des locaux, nous avons de la chance d’être là, l’endroit étant prisé. Nous ne connaissions absolument pas et sommes charmés en arrivant ; longer le joli Canal entre Champagne et Bourgogne ne peut qu’être une bonne introduction.
19h30. Après avoir écrit notre chronique pour le JHM, Nathalie la propriétaire du lieu, nous invite auprès de l’eau, verre de vin blanc à la main à notre intention, pour nous conter l’histoire de celui-ci. Ancienne fabrique de papier, le domaine de 6 hectares fut racheté par le père de François, actuel chef du restaurant qui rêvait de cuisiner ici depuis son enfance. Le restaurant a ouvert il y a 25 ans, l’hôtel il y a 10 ans. C’est depuis un carton mérité. Être séduit par l’eau ici est un euphémisme, elle est d’une pureté rare ; truites, canards comme humains semblent l’apprécier. Ça n’est pas un hasard si les chambres d’hôtes comme le restaurant sont si souvent complets. Le lieu attira même Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre, Charles Trenet (qui écrivit d’ailleurs la chanson « Source Bleue » en hommage à ce coin enchanteur).
19h50. Nous marchons vers la fameuse source bleue, toujours accompagnés par Judith la fidèle bouvier bernois qui ne semble pas malheureuse dans ce paradis. En apercevant la bleuté de l’eau, Théo se mit à user de superlatifs pour décrire le lieu. La couleur semble sortir de nulle part, vision fantastique et inexplicable que l’on ne veut de toute manière pas expliquer, cela nuirait à l’enchantement. On pourrait presque imaginer ici la porte d’entrée menant à la ville sous-marine des Gungan dans Star Wars. Le paysage est poétique, beau, calme et… bleu en effet. L’eau de l’étang provient de celle-ci, ainsi que d’une source d’eau profonde située à une vingtaine de mètres. Le lieu invite aux rêves les plus fous, l’espace, les couleurs, l’harmonie parfaite avec la nature, les sons délicats jouant avec les sens et donnant aux réflexions un écho différent. Être propriétaire de ce lieu c’est, je l’imagine, être chaque jour face à un émerveillement certain, mais aussi aux prises avec les potentialités inhérentes à celui-ci, et donc à être aux prises avec les idées les plus folles : comment faire encore mieux ?
20h20. Nous partageons un verre avec Nathalie. Elle nous parle avec passion du lieu et nous comprenons que ça n’est pas simplement un hébergement ou un restaurant, c’est un lieu de vie, un coup de coeur. La Source Bleue, c’est sa vie.
21h50. La Source Bleue c’est aussi un restaurant et le Chef François nous surprend à chaque plat. Le restaurant mériterait une étoile au guide Michelin.
00h14. Ça y est, l’article est presque prêt !
Demain, des arrêts sont prévus à Gudmont-Villiers, Villiers-sur-Marne et Vignory.
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